Israël intensifie ses tueries en Cisjordanie

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14 avril 2022. Des Palestiniens portent le corps de Shas Kamamji lors de ses funérailles à Jénine, en Cisjordanie occupée. (Photo : Ahmed Ibrahim / APA images)

14 avril 2022. Des Palestiniens portent le corps de Shas Kamamji lors de ses funérailles à Jénine, en Cisjordanie occupée. (Photo : Ahmed Ibrahim / APA images)

Les organisations de défense des droits humains appellent à l’action au niveau international suite à l’intensification par Israël de sa répression contre les Palestiniens en Cisjordanie : En quatre jours, ils ont tué 11 (onze) Palestiniens dans le territoire.

Maureen Clare Murphy, 14 avril 2022

Mercredi, un 12e Palestinien de Cisjordanie a été tué au cours d’un raid de la police israélienne contre des travailleurs dans la ville côtière d’Ashkelon.

Ces mercredi et jeudi, cinq Palestiniens ont été tués en Cisjordanie.

Jeudi, deux Palestiniens – Shas Kamamji, 29 ans, et Mustafa Abu al-Rub, 30 ans – ont été abattus et tués près de Jénine, dans le nord de la Cisjordanie.

Cette ville a été soumise à de sévères restrictions de mouvement par Israël dans le cadre d’une punition collective après qu’un Palestinien venu d’un village voisin a abattu et tué trois personnes dans un bar de Tel-Aviv la semaine dernière.

Suite à l’attentat de Tel-Aviv, le Premier ministre israélien, Naftali Bennett, a accordé

« toute liberté d’action à l’armée, au Shin Bet [l’agence israélienne de la sécurité de l’État] et à toutes les forces de sécurité afin qu’elles viennent à bout du terrorisme ».

Au moins neuf civils palestiniens – dont deux enfants et deux femmes – ont été tués par les forces israéliennes depuis l’annonce de Bennett, rapporte le Centre palestinien pour les droits humains (PCHR).

Kamamji a été tué dans le village de Kafr Dan, lorsque les forces israéliennes ont ouvert le feu sur une foule de personnes jetant des pierres sur des véhicules militaires. Une autre personne, un jeune de 17 ans, dit-on, a été blessé et laissé dans un état critique.

Shas Kamamji est le frère d’Ayham Kamamji, l’un des six Palestiniens qui s’était évadé de la prison de Gilboa, en Israël, en septembre dernier, lors de ce qu’on avait considéré comme un coup dévastateur pour la réputation de l’appareil sécuritaire israélien.

Ayham Kamamji était resté en liberté près de quinze jours avant d’être repris à Jénine.

Après que les forces israéliennes se sont retirées de la zone, très tôt ce jeudi, on a découvert Abu al-Rub avec touché d’une balle réelle dans la poitrine. On n’a pu que constater son décès à son arrivée à l’hôpital.

« Il n’y a pas eu de témoins oculaires pour décrire les circonstances de sa mort », a déclaré le PCHR.

Mercredi, un autre Palestinien, Omar Muhammad Alayan, 20 ans, a été tué au cours d’un raid d’arrestation dans le village de Silwad, près de la ville de Ramallah, dans le centre de la Cisjordanie.

Le PCHR a déclaré que des tireurs israéliens s’étaient embusqués sur les toits de trois immeubles résidentiels du village au moment où les forces militaires avaient entouré et criblé de balles une maison de deux étages avant d’y faire irruption.

Les Palestiniens ont été confrontés aux forces du raid alors que celles-ci se retiraient de Silwad. Ils ont jeté des pierres et des bouteilles vides en direction de leurs véhicules, dont l’un est allé percuter un mur non loin d’un rond-point.

 

 

Une autre vidéo montre un véhicule militaire israélien endommagé à Silwad mercredi soir et pris en remorque le lendemain :

 

Lors du raid sur Silwad, les forces israéliennes ont tiré des balles et des gaz lacrymogènes en direction de Palestiniens qui lançaient des pierres. Ils en ont blessé plusieurs, dont Alayan, qui est mort après avoir reçu une balle dans la poitrine.

Un ado tué prétendument à cause d’un cocktail Molotov

Mercredi soir également, les forces israéliennes ont abattu et tué Qusai Muhammad Hamamra, 16 ans, au moment où des jeunes Palestiniens étaient confrontés à des militaires à proximité du village de Husan, à l’ouest de Bethléem, dans le centre de la Cisjordanie.

L’ado a « subi plusieurs blessures par balles à une distance d’environ 20 mètres », rapporte Defense for Children International – Palestine (DCI-P) pour ajouter ensuite : « Une balle au moins l’a touché à la tête. »

 

L’organisation de défense des droits a déclaré que les forces israéliennes avaient empêché les paramédicaux palestiniens de soigner le jeune blessé et qu’elles avaient emporté son corps dans un véhicule militaire avant de le renvoyer à sa famille quelques heures plus tard.

L’armée israélienne a prétendu que les soldats avaient tiré sur Hamamra après qu’il avait lancé un cocktail Molotov dans leur direction.

L’adolescent est le septième enfant palestinien abattu et tué par Israël en 2022 après avoir prétendument lancé un cocktail Molotov sur des militaires durant la même période.

Le mois dernier, les forces israéliennes ont abattu et tué Nafez Mahmoud Khanafsheh près d’une base militaire dans la zone de Jérusalem, en prétendant que l’ado de 15 ans jetait des cocktails Molotov.

L’armée a prétendu la même chose en tentant de justifier l’homicide par balle, en février, de Muhammad Rizq Shehade Salah, 13 ans, dans le village d’al-Khader, au sud de Bethléem.

Comme dans le cas de Hamamra, les forces israéliennes ont empêché les Palestiniens d’apporter les premiers soins à Khanafsheh et à Salah alors qu’ils se vidaient complètement de leur sang sur le sol.

Hamamra est le deuxième Palestinien tué par Israël dans le village de Husan cette semaine.

Dimanche, les soldats de l’occupation israélienne ont exécuté extrajudiciairement Ghada Sabateen, 47 ans, après avoir estimé qu’elle agissait de façon « suspecte » en les approchant.

Une vidéo de l’incident montre que les soldats ont tiré à bout portant sur la femme, une mère de six enfants, alors qu’elle n’était pas armée.

Au moment de sa mort, la femme rentrait chez elle après avoir été en visite chez des proches, a expliqué sa famille aux médias, en rejetant des suggestions selon lesquelles elle avait eu l’intention de mourir dans un acte de « suicide par soldat » (1).

Huitième décès à Beita

Mercredi également, les forces israéliennes ont abattu Fawaz Hamayel, 45 ans, dans la poitrine, dans le village de Beita, près de Naplouse. Père de trois enfants, l’homme a succombé à ses blessures le lendemain.

 

Hamayel est le huitième Palestinien tué à Beita depuis que des colons juifs ont fondé Evyatar, un avant-poste, sur des terres appartenant au village, en mai de l’an dernier. La plupart sont morts quand Israël a violemment réprimé les protestations hebdomadaires contre l’avant-poste de peuplement, où l’armée israélienne maintient depuis une présence permanente.

 

Un impressionnant cortège funéraire a parcouru les rues de Beita ce jeudi :

 

« Une impunité institutionnalisée »

Cette année, jusqu’à présent, plus de 40 Palestiniens ont été abattus et tués par les forces israéliennes dans toute la Palestine historique.

Jeudi, Al-Haq, une organisation palestinienne de défense des droits humains, a adressé un appel urgent aux Nations unies à propos de

« l’intensification du niveau de la violence exercée sous impunité institutionnalisée par les colons israéliens contre les Palestiniens ».

L’organisation a fait remarquer l’intensification des attaques de représailles des colons contre les Palestiniens après qu’un Israélien a été tué en Cisjordanie à la mi-décembre par deux Palestiniens, présume-t-on, et après une série d’attaques qui ont tué plusieurs personnes en Israël au cours de ces dernières semaines. L’organisation a également attiré l’attention sur une déclaration de Bennett, le Premier ministre israélien, appelant les citoyens israéliens à ne pas se déplacer sans arme.

« Pour chaque personne qui a un permis de port d’arme, il est temps d’en porter une », a déclaré Bennett.

Medical Aid for Palestinians, une ONG britannique, a déclaré jeudi qu’elle était « particulièrement préoccupée » par l’escalade de la violence contre les Palestiniens et « elle rapporte que des travailleurs médicaux ont été empêchés de rejoindre certains blessés afin de leur porter secours ».

La Société du Croissant-Rouge palestinien a déclaré que,

« depuis le début d’avril, nous avons enregistré cinq cas de refus d’accès aux blessés afin de les soigner, ainsi que trois cas d’agression contre nos équipes médicales et une attaque contre une ambulance ».

Mercredi soir, l’organisation paramédicale a déclaré l’état d’urgence en Cisjordanie.

 

 Le 13 avril, les dirigeants des factions palestiniennes se rencontrent à Gaza alors que les tensions ne cessent de s’accroître en Cisjordanie, y compris à Jérusalem. (Photo : Ashraf Amra / APA images)

Le 13 avril, les dirigeants des factions palestiniennes se rencontrent à Gaza alors que les tensions ne cessent de s’accroître en Cisjordanie, y compris à Jérusalem. (Photo : Ashraf Amra / APA images)

Jeudi soir, larme israélienne annoncé la fermeture de la Cisjordanie et de la bande de Gaza vendredi après-midi, c’est-à-dire au début des congés de la Pâque.

On s’attend à ce que vendredi et les jours suivants soient particulièrement tendus, du fait que la Pâque coïncide avec le deuxième vendredi du Ramadan, quand des milliers de Palestiniens viendront prier sur le site de la mosquée d’al-Aqsa, à Jérusalem.

Dans une démarche à tout le moins incendiaire, l’organisation extrémiste du Mouvement des fidèles du Mont du Temple a paraît-il proposé un « prix en espèces » à toute personne qui accomplira avec succès les rituels du sacrifice – abattre un animal, par exemple – au cours de la Pâque, sur le site de la mosquée al-Aqsa.

Le Hamas a prévenu que si de tels rituels avaient lieu, il allait « outrepasser toutes les lignes rouges » et qu’il considérerait la chose comme une « agression directe contre les croyances et sentiments de notre peuple ».

Les dirigeants des factions de la résistance de Gaza se sont réunis mercredi soir dans une manifestation censée témoigner de leur unité.

« Nous déclarons une mobilisation générale dans tous les endroits où se trouvent les nôtres. Nous demandons aux masses de sortir par centaines de milliers afin de protéger notre et notre mosquée »,

ont dit les organisations dans une déclaration commune.

La dernière confrontation militaire importante entre le Hamas et les factions de la résistance militaire à Gaza d’une part, et Israël, d’autre part, a eu lieu quand la police israélienne a pris d’assaut la mosquée al-Aqsa alors qu’elle était remplie de fidèles, en mai de l’an dernier.

Plus de 250 Palestiniens de Gaza, y compris au moins 67 enfants, avaient été tués durant les 11 jours de violence intense, ce mois-là.

Les organisations armées palestiniennes avaient tiré des milliers de roquettes depuis Gaza, durant les combats, tuant une douzaine de personnes en Israël.

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 Maureen Clare Murphy est l’une des rédactrices en chef de The Electronic Intifada. Elle vit à Chicago

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Publié le 14 avril 2022 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

 

Note du traducteur :

(1) La femme était une mal-voyante et cela se voit sur les vidéos.

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