L’UE se lave les mains de Gaza

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La responsable des Affaires étrangères de l’UE, Federica Mogherini, à gauche, a gardé le silence sur les coupures d’électricité imposées à Gaza par Israël. (Photo : Service européen pour l’action extérieure)

Ali Abunimah

 

Selon l’association des droits de l’homme B’Tselem, le blocus contraint les résidents de Gaza « à vivre dans une pauvreté abjecte et dans des conditions pratiquement inhumaines, sans égales dans le monde moderne ».

Pourtant, l’Union européenne, qui s’érige elle-même en championne de la liberté, de la démocratie et des droits de l’homme, s’est lavé les mains de la population de l’enclave.

Après quatre journées successives de restrictions, Israël a désormais réduit de 60 pour 100 la quantité d’électricité qu’il fournit à la bande de Gaza.

Ceci vient s’ajouter aux coupures chroniques à la suite desquelles la plupart des ménages ne disposaient en moyenne que de quatre heures d’électricité par jour.

Comme le déplorent de nombreuses institutions internationales dans leur mise en garde, le territoire est plongé dans une crise humanitaire de plus en plus alarmante.

À la mi-mai, le Comité international de la Croix-Rouge a déclaré que Gaza était au bord d’un « effondrement systémique » du fait que les salles d’opération ainsi que les systèmes hydrauliques et sanitaires fonctionnent de moins en moins.

Déjà, le principal hôpital de Gaza-ville a réduit ses interventions chirurgicales d’un tiers et, suite au blocus encore aggravé par la crise de l’électricité, le territoire patauge dans ses eaux usées.

La cruauté de l’Autorité palestinienne

Israël se tapit derrière l’Autorité palestinienne, qui lui a demandé de réduire la fourniture d’électricité en disant que cela faisait partie des efforts du dirigeant de l’AP Mahmoud Abbas en vue d’éliminer le Hamas, qui détient le pouvoir à l’intérieur de Gaza.

L’approvisionnement en carburant de la seule centrale électrique de Gaza a cessé en avril, transformant ainsi une pénurie chronique d’électricité en une catastrophe imminente. Les autorités de Gaza sont parvenues à s’assurer pour quelques jours un approvisionnement de carburant en provenance d’Égypte – en dépit des tentatives de l’AP d’empêcher l’Égypte d’accorder ce bref sursis.

La campagne cruelle de l’AP contre la population de Gaza comprend aussi la suppression des livraisons médicales au territoire. Il en résulte que plus de 300 patients atteints de fibrose kystique (mucoviscidose) sont en danger de mort et que 90 pour 100 des patients du cancer ne peuvent plus bénéficier d’un traitement complet. Et ce ne sont pas les seules menaces imminentes contre la vie et la santé, affirme l’organisation Physicians for Human Rights-Israel (Médecins pour les droits de l’homme – Israël).

L’UE en tant que catalysatrice

Mais, comme l’ont fait remarquer de nombreux groupements des droits de l’homme, Israël ne peut se soustraire à ses responsabilités.

Israël reste la puissance occupante à Gaza. Lui seul a le pouvoir de mettre immédiatement un terme aux souffrances de la population et il est en outre soumis à l’obligation légale de le faire, comme le précise la Quatrième Convention de Genève.

Israël toutefois agit en toute impunité parce qu’il est soutenu et mis en mesure de continuer en ce sens par des puissances mondiales, et plus particulièrement par l’Union européenne, son premier partenaire commercial.

Depuis plusieurs jours, The Electronic Intifada demande au Service européen pour l’action extérieure – le SEAE, en fait, le ministère des Affaires étrangères de l’UE – de commenter la situation de Gaza et d’expliquer ce qu’il fait – pour autant qu’il fasse quelque chose – pour exercer des pressions sur Israël afin que ce dernier mette un terme aux coupures d’électricité.

Mardi, Maja Kocijancic, porte-parole de la responsable de la politique étrangère de l’UE, Federica Mogherini, confirmait qu’elle avait bien reçu la requête de The Electronic Intifada et promettait même « de voir ce qu’il en est de ce dernier point » et « de vous recontacter dès que possible ».

Mais deux jours sont passés et le délai de jeudi après-midi a lui aussi expiré, et c’est toujours le silence le plus complet de la part de l’UE, en dépit des demandes de suivi adressées à Kocijancic et à ses collègues.

Qui ne dit mot consent

L’UE accorde à Israël toutes sortes de concessions commerciales ainsi que du financement, dans le cadre du fameux Accord d’Association signé entre les deux parties.

Cet accord spécifie que les relations entre l’UE et Israël « devront s’appuyer sur le respect des droits de l’homme et des principes démocratiques », une stipulation qui passe pour « un élément essentiel » de l’accord.

Des dizaines de parlementaires européens ont demandé instamment à Mogherini de suspendre l’accord – à la lumière des violations répétées et flagrantes des droits palestiniens par Israël.

Mais, en lieu et place, l’UE semble surtout encline à continuer de récompenser Israël.

Un indicateur fiable de la chose n’est autre que le bureau de représentation de l’UE à Tel-Aviv, qui produit sur son compte officiel un flux constant de tweets glorifiant le « partenariat » de l’UE avec Israël – y compris les programmes de « recherche » qui financent l’industrie militaire israélienne.

Même cette semaine, alors que les conditions à Gaza ont empiré, l’UE s’est encore targuée de sa coopération militaire avec Israël en parlant de leurs fameux « défis communs ».

Pendant ce temps, le SEAE de l’UE n’a plus rien tweeté sur Gaza depuis 2015.

La toute dernière crise à Gaza sévit pourtant depuis avril et elle a provoqué des mises en garde disant qu’elle pourrait déboucher sur une nouvelle guerre.

Par conséquent, le silence de l’UE ne peut être un oubli.

Il devrait être perçu comme un soutien positif au durcissement du blocus israélien de Gaza et de la souffrance qu’Israël inflige au vu et au su de tout le monde à une population épuisée et traumatisée par une décennie d’isolement et d’agressions militaires successives de sa part.

L’Union européenne approfondit effectivement son partenariat tant vanté avec Israël. En fait, il s’agit d’un partenariat dans le crime.


Publié le 22 juin 2014 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal

Ali Abunimah, journaliste palestino-américain est le cofondateur de ’The Electronic Intifada’ et auteur des livres  One Country : A bold Proposal to end the Israeli-Palestinian Impasse et The battle for Justice in Palestine (Lisez ICI un chapitre de ce livre en français : Israël a-t-il le droit d’exister en tant qu’Etat juif ?)

On peut suivre Ali Abunimah sur Twitter : @AliAbunimah

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