Amnesty : « Arrêter des responsables israéliens, pour contrer l’apartheid »

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La semaine dernière, Amnesty International a clairement préconisé l’arrestation de représentants du gouvernement israélien sur le sol britannique pour lutter contre l’apartheid.

(L-R) Garry Ettle (Amnesty International), et Katy Colley (Hastings and Rye Palestine Solidarity Campaign)

 

Cette puissante  recommandation a été faite lors d’une réunion organisée conjointement par  Amnesty International (AI) et Hastings and Rye Palestine Solidarity Campaign (HRPSC) à l’hôtel White Rock où un représentant d’AI, Garry Ettle, présentait les conclusions de leur rapport publié en février  : ‘Israel’s Apartheid Against Palestinians: A Cruel System of Domination and Crime Against Humanity’ [L’apartheid d’Israël contre les Palestiniens : un système cruel de domination et un crime contre l’humanité].

Le rapport, dont la réalisation a demandé quatre ans, montre clairement que le système israélien satisfait les critères légaux de l’apartheid, un crime contre l’humanité, et appelle la communauté internationale à remplir ses obligations légales, y compris l’arrestation de tout représentant du gouvernement israélien responsable traversant son territoire.

Les faits sont, a-t-il dit, … que « des actions inhumaines » ont lieu à l’intérieur d’un « régime institutionalisé de répression et de domination » avec l’intention de contrôler les Palestiniens de sorte qu’ils « n’ont aucun moyen de rivaliser avec les objectifs de la majorité juive ».

Il a souligné les quatre composantes clés de ce système, le premier étant « la fragmentation » qui signifie morceler physiquement et socialement la région pour empêcher « une résistance unifiée du peuple opprimé, les Palestiniens, à ce qui se passe ».

La deuxième composante est « la ségrégation et le contrôle », c’est-à-dire des lois et des pratiques qui restreignent les Palestiniens à des enclaves, contrôlant leur vie et les ségrégant des Israéliens juifs.

La troisième est « la dépossession des terres et des propriétés ». Garry a expliqué que cela consistait à « s’assurer que la minorité opprimée ne puisse s’installer d’aucune façon dans la région, en acquérant effectivement des propriétés ou des terres et en les dépouillant inévitablement de la terre quand c’est possible ».

Et finalement, la quatirème composante, « privation des droits économiques et sociaux », a été décrite par Garry comme « s’ssurer que [les Palestiniens] ne soient pas autorisés à développer une économie autonome et que leurs droits sociaux n’opèrent pas pleinement ».

Après avoir illustré chacune de ces composantes par des exemples concrets [voir les illustrations], Garry a abordé la question de la nécessaire réponse internationale.

[L’apartheid est la dépossession – Terres accessibles aux Palestiniens en Cisjordanie en 1967 et 2021]

[L’apartheid est privation : le système d’oppression et de domination d’Israël signifie l’appauvrissement délibéré des Palestiniens. L’exemples le plus frappant est la disparité entre la Bande de Gaza et Israël, successivement pour la densité de population, le taux de population sans accès à l’eau potable, le chômage, la mortalité infantile pour 1000 naissances et le taux de la population vivant sous le seuil de pauvreté.

Les données pour Israël concernent les Israéliens juifs (74%) et les Palestiniens (21%) vivant en Israël et Jérusalem-Est]

[L’apartheid est la fragmentation : pour maintenir sa domination, Israël garde les Palestiniens séparés les uns des autres et ségrégués des Israéliens juifs]

« Il faut qu’il y ait un certain coût pour les Israéliens, économiquement et politiquement », a-t-il dit. « Pour le moment, il n’y a aucun coût du tout. La communauté internationale est informée de tous les faits de ce rapport, mais rien n’est effectivement fait. »

IL FAUT QU’IL Y AIT UN COÛT POUR ISRAEL

Il a dit qu’ AI est réaliste dans son calendrier du changement et que la première étape est d’obtenir une large reconnaissance qu’un apartheid a lieu, mais il a ajouté qu’Amnesty International appelle les Etats tiers à agir avec effet immédiat.

« L’apartheid étant une violation du droit humanitaire international, cela signifie qu’il y a obligation pour les autres pays d’agir pour le stopper », a-t-il dit. « Par exemple, si un représentant israélien passe par Heathrow, en théorie le Royaume-Uni pourrait arrêter cette personne au motif qu’elle est coupable ou joue un rôle dans des actes illégaux comme l’apartheid. ».

D’autres recommandations incluent d’arrêter tout commerce avec les implantations illégales, ou « colonies » comme il a préféré les appeler, et de bannir les ventes d’armes à Israël.

Il a dit qu’il faudrait beaucoup de pression d’en bas pour obtenir que des comptes soient rendus mais que le rapport était un outil utile pour y parvenir.

La présidente de la Société Palestine de SOAS [School of Oriental and African Studies, Ecole des Etudes sur l’Orient et l’Afrique de l’université de Londres], Yara Derbas, est intervenue ensuite pour exposer sa propre expérience de l’apartheid et discuter de la manière dont des individus peuvent aider à le combattre. La famille de Yara a été directement impactée par l’occupation : la famille de son père a été nettoyée ethniquement de Haifa au cours de la Nakba en 1948 et la famille de sa mère est de Naplouse. La famille était refugiée au Liban avant de venir au Royaume-Uni.

Yara Derbas, présidente de la Société Palestinienne de SOAS

Elle a décrit comment, lors de visites à sa famille en Palestine, elle a pris conscience de la pratique oppressive consistant à restreindre des ressources comme l’eau et l’électricité par des « black-outs aléatoires » qui ont lieu à n’importe quel moment du jour ou de la nuit.

« Israël peut littéralement l’éteindre et la remettre, quand ils veulent, comme un interrupteur », a-t-elle dit. « Même dans les hôpitaux. C’est évidemment ridicule, c’est inouï ici, cela n’arriverait pas. C’était un choc pour moi, et quand vous êtes enfant, vous avez peur du noir. »

DES BLACKOUTS ALEATOIRES A N’IMPORTE QUEL MOMENT DU JOUR OU DE LA NUIT

Elle a ajouté que les couvre-feux imposés aux familles palestiniennes ont eu un effet persistant sur ceux vivant dans la diaspora.

« Ils pouvaient arriver à n’importe quel moment », a-t-elle dit. « Et où que vous soyez, vous étiez bloqué  là pour Dieu sait combien de temps, vous ne le saviez pas, donc où que vous êtes, vous êtes bloqué. C’était une peur qu’avait ma mère. Cela peut affecter beaucoup de choses, par exemple si quelqu’un est malade dans votre maison, l’ambulance ne peut pas venir pour vous emmener, donc il n’y a pas de garantie que vous puissiez avoir de l’aide médicale. S’il y a un mariage, il n’y a pas de garantie que vous puissiez aller à ce mariage.

« Ma mère n’a pas pu aller à l’enterrement de son père parce qu’il y avait un couvre-feu à ce moment-là, donc cela vous impacte vraiment si vous avez des engagements. C’est destiné à détruire votre vie, c’est destiné à vous démoraliser. »

Elle a souligné le fait que l’apartheid israélien inclut les 7 millions de réfugiés de la diaspora à qui est interdit le droit au retour, comme sa propre famille, souffrant de discrimination, de privation et d’exil pendant des générations. L’apartheid, a-t-elle dit, sert un objectif.

« Ils nous fragmentent physiquement, il y a une séparation géographique, parce que cela cause une fragmentation sociale et politique. »

La fragmentation politique, a-t-elle dit, était particulièrement importante parce qu’il « est plus difficile de maintenir une opposition unifiée si vous êtes éparpillés ».

« C’est intentionnel parce que si nous étions capables d’être en contact entre nous, nous serions une force massive, unifiée contre Israël. Mais ils ne veulent pas cela. L’apartheid est un outil de contrôle et de soumission pour ces raisons. Cela vise à déshumaniser, à frustrer les Palestiniens, à nous humilier et à nous démoraliser et à nous rendre désespérés pour que nous ne puissions riposter. »

CELA VISE A DESHUMANISER LES PALESTINIENS

Elle a analysé les forces et les faiblesses du rapport d’AI, reconnaissant la force de ce qu’une vaste organisation internationale  traditionnelle illumine le fait que l’apartheid soit pratiqué contre « tous les Palestiniens de la diaspora », aussi bien qu’ à l’intérieur d’Israël, en Cisjordanie et à Gaza, tout en remarquant que les voix palestiniennes ont été écartées et réduites au silence quand elles ont fait les mêmes affirmations sur l’apartheid il y a vingt ans. Elle a aussi parlé des limites du cadre du « droit international », qui n’aborde pas les questions de libération et d’auto-détermination.

Cependant, Yara a reconnu que le rapport était un outil utile et elle a décrit la pratique palestinienne du  « sumud »,  de la  persévérance dans leur lutte contre l’occupation et l’oppression, attirant l’attention sur les différentes manières dont les individus peuvent faire de même dans leur propre vie.

« Beaucoup de Palestiniens partagent le sentiment que le régime d’apartheid d’Israël est autorisé à se maintenir uniquement à cause du soutien international à Israël » a-t-elle dit.

« Donc en 2005, 117 organisations de la société civile palestinienne ont appelé la communauté internationale à les soutenir et à appliquer des pressions,  où qu’ils soient dans le monde, et elles donnent trois manières spécifiques de le faire. C’est BDS.

« B est pour boycott donc elles nous demandent de boycotter les produits et les institutions israéliens. D est pour désinvestissement, donc se désinvestir de toute compagnie complice qui soutient le régime d’apartheid d’Israël. S est pour sanctions, c’est essentiellement appeler les gouvernements à sanctionner Israël. »

Elle a continué : « Il y a tant de choses que nous pouvons faire. Ce que je dis aux gens, c’est d’évaluer votre propre environnement, regarder autour de vous et évaluer comment et où l’apartheid est maintenu parce que je peux vous dire qu’il y a toujours quelque chose. Est-ce qu’il y a un groupe de solidarité avec la Palestine près de vous ? Si ce n’est pas le cas, démarrez-en un. »

Elle a encouragé les gens à examiner les lieux où ils passent leur temps et à prendre le temps de rechercher si ces institutions ont des liens ou des investissements dans des compagnies complices du régime d’apartheid. Elle a dit que la prochaine étape serait de commencer une campagne pour mettre fin à ces liens.

« Par une campagne, vous vous attaquez directement à un aspect du régime colonial de peuplement d’Israël et vous visez à démanteler ce régime.

Il y a tant de choses dans une campagne qui aident directement les Palestiniens sur le terrain à résister à l’apartheid. Il y a une différence entre faire quelque chose en tant qu’individu et faire quelque chose dans un groupe. Si vous rejoignez une campagne, vous apprenez plein de compétences, vous apprenez à faire des choses que vous pouvez ensuite appliquer à différents espaces et  à différents aspects. Il y a quelque chose de vraiment puissant dans l’intersectionalité. »

EDUQUEZ-VOUS, EDUQUEZ LES AUTRES

Elle a continué : « Eduquez les gens et éduquez-vous. Vous devez faire des recherches, vous devez savoir de quoi vous parlez. Parce que sinon vous n’allez pas être pris au sérieux.

Vous devez savoir comment mobiliser les gens, construire des réseaux, construire des relations et des amitiés. On ne va pas libérer la Palestine tout seul, ce n’est pas un one-woman-show, cela doit être un groupe, de nombreuses personnes qui parlent à de nombreuses personnes. »

Elle a suggéré de rallier les gens de manière amusante, créative, comme des ateliers pour faire des affiches et des bannières.

« Cela n’a pas besoin d’être dans le style de gens assis pour une conférence, il y a des manières différentes de faire des campagnes. »

A un niveau très basique, Yara a encouragé à boycotter tous les produits israéliens.

« Quand vous allez à Sainsbury’s, vérifiez juste l’étiquette », a-t-elle suggéré. « Assurez-vous que vous n’obtenez pas vos avocats et vos poivrons d’Israël, dites à vos amis de le faire. Si vous voulez que vos inquiétudes soient discutées au Parlement, écrivez à votre député. »

« Si vous voulez répandre votre message plus largement, rejoignez une campagne dans les réseaux sociaux, il y a toujours des tempêtes de tweets en train  et des campagnes d’e-mails pour les prisonniers politiques, pour qu’Israël les libère.

« Si vous n’aimez pas le ton — la neutralité — quand les informations parlent de la Palestine, écrivez à la BBC, assistez à des manifestations, organisez des campagnes, il y a tellement à faire d’où vous êtes. Penser que nous ne pouvons rien faire nous rend désespérés, comme si nous n’avions pas une voix dans tout cela, mais penser que nous sommes puissants est bien plus puissant.  Il y a tant que nous pouvons faire. »

 

https://thepalestineproject.medium.com/amnesty-arrest-israeli-officials-to-counter-apartheid-6224b07c6d14

 

Hastings PSC: https://www.hastingspalestinecampaign.org

 

Traduction CG pour Campagne BDS France Montpellier

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