Chaque goutte de sang répandue est de la responsabilité de ceux qui perpétuent l’occupation – et de ceux dont le silence rend possible le statu quo

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Une mère pleure son fils tué, dans l’hôpital de Beit Lahia, à Gaza, le 12 novembre (AFP)

Une fois le calme rétabli dans les villes israéliennes après l’attaque ciblée mortelle sur Gaza au début de ce mois et les missiles lancés en réponse, les citoyens israéliens sont rapidement retournés à leur routine.

Les acteurs politiques et les media ont aussi connu un retour à la normale jusqu’à la nausée : la plongée dans l’éternel marais politique, l’impossibilité de former un gouvernement et la provocation vis-à-vis des citoyens palestiniens du pays. Gaza, comme d’habitude, va désormais disparaître de la conscience publique en Israël jusqu’au prochain lancer de missile.

Dans la très malmenée bande de Gaza, la vie est aussi retournée à sa routine : après avoir enterré les victimes du dernier massacre, dont des femmes et des enfants, les Palestiniens peuvent maintenant trouver le temps de dégager les nouvelles décombres, dans une pauvreté qui s’aggrave encore, tout en attendant le prochain massacre. Et il viendra – nous savons qu’il viendra. La tuerie massive de Palestiniens de Gaza s’est de plus en plus normalisée.

Humiliés et dépossédés

Mais si l’on admet que ce destin n’est pas inévitable et que le peuple palestinien n’a pas été créé pour être opprimé, humilié, dépossédé et réduit au silence par Israël, comment les Palestiniens peuvent-ils résister à cette oppression, qui dure depuis des décennies ? Peut-on faire quelque chose pour empêcher le prochain massacre des Palestiniens ?

Vous direz peut-être qu‘il faudrait conduire des négociations dans un effort pour mettre fin au « conflit ». Il y a de quoi éclater d’un rire amer avant même de finir cette phrase. Attend-t-on des Palestiniens qu’ils aient confiance en une médiation juste de la part de la Maison Blanche dont le dirigeant endosse pleinement toutes les injustices qu’Israël accumule dans les territoires occupés ?

Attend-t-on d’eux qu’ils aient confiance en les bonnes intentions d’Israël, quand un premier ministre bien plus modéré que l’actuel leur a vendu le mensonge d’Oslo et a ensuite doublé le nombre de colonies israéliennes en Cisjordanie, tout en conduisant des négociations – lui qui fut, à cause du suivant, assassiné par la suite ?

Ou bien vous direz peut-être qu’ils devraient s’engager dans des manifestations populaires. Voulez-vous parler de celles au cours desquelles le photojournaliste Muhad Amarba a reçu des coups de feu qui lui ont fait perdre un œil parce qu’il documentait une manifestation d’habitants de Surif près de Hebron, contre la prise par des colons des terres de leur village ? Ou des manifestations hebdomadaires du quartier de Sheikh Jarrah de Jérusalem Est occupée, pendant lesquelles des manifestants ont été frappés et arrêtés pour avoir brandi le drapeau palestinien – un acte qui n’est même pas légalement proscrit en Israël en dépit de toutes ses lois racistes ?

La complicité internationale

Vous direz peut-être : et des manifestations de masse ? Voulez-vous dire par là des manifestations comme la Grande Marche du Retour, que des habitants de Gaza guidés par le désespoir mènent depuis plus d’un an et demi maintenant, tous les vendredi, devant la barrière qui sépare Gaza d’Israël ? Ces manifestations ont déjà coûté la vie de centaines de participants et en ont blessé bien davantage, alors que les gens protestent contre la vie de souffrance qu’Israël a décrété devoir être la leur au sein de la bande de Gaza assiégée.

Ou vous suggèrerez peut-être de faire appel à la communauté internationale ! Voulez-vous parler de la communauté internationale qui, dans le meilleur scénario, assiste dans la plus grande indifférence à la mort du peuple palestinien – ou, de façon plus routinière, coopère activement à ce processus en armant et en finançant Israël et en mettant son veto même au geste le plus symbolique contre l’injustice ainsi causée ?

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Soldats israéliens marchant à côté de véhicules blindés près de Gaza, le 13 novembre (AFP)

C’est bien la même communauté internationale dont l’acte le plus remarquable contre la dépossession des Palestiniens a été de contrecarrer – temporairement à ce jour – l’expulsion des habitants de Khan al-Ahmar, tout en restant aveugle au nettoyage ethnique croissant mené par Israël dans la vallée du Jourdain.

Ou vous diriez peut-être que les Palestiniens pourraient mener une lutte non-violente en faisant en sorte qu’une pression économique pèse sur Israël pour qu’il mette fin à l’occupation. Voulez-vous parler de la campagne de boycott, désinvestissement et sanctions  (BDS) qu’Israël a réussi à caractériser d’antisémite – remportant un tel succès avec cette étiquette que même des cercles progressistes condamnent le travail des militants comme illégitime ?

Le déséquilibre du pouvoir

La seule réponse légitime à la question de comment les Palestiniens devraient lutter contre l’oppression de leur peuple est ceci : de toutes les façons qu’ils estiment appropriée. Le monde est resté planté à regarder depuis plus d’un demi siècle, ne faisant pratiquement rien pour arrêter l’écrasement du peuple palestinien par Israël. Le monde a perdu le droit moral de critiquer les méthodes choisies par les Palestiniens.

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Quand les citoyens israéliens choisissent – encore et encore, via leur direction politique dument élue  – d’intensifier l’oppression, ils perdent le droit moral de dire aux Palestiniens comment mener leur lutte de libération.

Quand les relations de pouvoir entre les deux côtés sont si radicalement asymétriques qu’elles permettent à Israël de faire tout ce qu’il veut de la terre palestinienne, de la propriété palestinienne et des corps palestiniens, le jugement moral ordinaire perd son sens.

Quand Israël utilise abondamment tous les moyens possibles pour contrecarrer la résistance non-violente ; quand les forces israéliennes lourdement armées considèrent qu’un enfant palestinien se saisissant d’une paire de ciseaux est un  « terroriste » méritant d’être exécuté ; quand même l’acte le plus symbolique de résistance palestinienne, comme le lancement de cerfs-volants enflammés depuis une Gaza assiégée et mourante, par delà les murs vers le territoire israélien, est appelé acte terroriste porteur d’une menace existentielle sur Israël ; quand la détermination des Palestiniens à survivre sur leur propre terre est régulièrement broyée par le nettoyage ethnique et les expulsions, alors la moralité au nom de laquelle le monde prêche aux Palestiniens perd tout son sens.

Le fossé de proportionnalité

De janvier 2009 à la fin octobre 2019, la décennie a vu les forces israéliennes tuer plus de 3 400 Palestiniens en Cisjordanie et à Gaza, sans compter les victimes du plus récent massacre à Gaza. Il n’y a pas de moralité où que ce soit qui exigerait des Palestiniens de s’asseoir simplement, les mains jointes, tandis que l’horrible destruction de leur peuple est proche de sa réalisation.

Ceux qui souhaitent imposer des principes moraux normatifs dans une réalité où rien n’est normal devraient aspirer à fournir aux Palestiniens les mêmes moyens militaires que ceux dont dispose Israël – et alors, avec une armée face à une armée, chacune dotée d’une technologie et de capacités de renseignement symétriques, nous pourrions réclamer que les deux côtés soient jugés par le même critère moral.

Alors peut-être les Palestiniens pourraient répondre dans une « proportion raisonnable » après l’assassinat d’un homme armé et de sa femme, par un assassinat parallèle d’un dirigeant militaire israélien et de sa femme, au lieu de lancer des missiles visant des villages israéliens (qui, heureusement, n’ont blessé personne).

Mieux, même, ils pourraient agir pour mettre fin à la violente occupation illégale et létale imposée aux Palestiniens depuis des décennies – avant le prochain massacre à Gaza. Mais en attendant, chaque goutte de sang versée de part et d’autre de la barricade est de la responsabilité des gens qui perpétuent l’occupation et des gens dont le silence indigne leur permet de le faire.

 

Les points de vue exprimés dans cet article sont ceux de l’auteure et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye

Orly Noy est journaliste et militante politique de Jérusalem.

https://www.middleeasteye.net/opinion/can-anything-be-done-prevent-next-massacre-palestinians?fbclid=IwAR13ebyxET8heH_qX3OuFojABef4-K4maWP8pUS62lFaSztcnwRYn_mvFek

Traduction SF pour  la Campagne BDS France Montpeller

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