Israël a-t-il le droit d’exister en tant qu’État juif ?

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par Ali Abunimah

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Le 9 septembre 1993, Yasser Arafat répondait favorablement à l’une des plus anciennes revendications d’Israël. Dans une lettre adressée au Premier ministre de l’époque, Yitzhak Rabin, le dirigeant de l’OLP écrivait : « L’OLP reconnaît le droit de l’État d’Israël d’exister dans la paix et la sécurité. » Le même jour, Rabin répondait par une simple phrase, informant Arafat qu’au vu de sa lettre, « le gouvernement israélien a[vait] décidé de reconnaître l’OLP comme le représentant du peuple palestinien et d’entamer des négociations avec l’OLP dans le cadre du processus de paix au Moyen-Orient (1) ».

Cet échange de lettres n’avait pas grand-chose de réciproque. Arafat avait reconnu « le droit d’exister » d’Israël, avait promis d’amender les documents de fondation de l’OLP« renonçait au recours au terrorisme et à d’autres actes de violence » et promettait de « châtier les contrevenants ». Par contre, Rabin ne proposait pas de reconnaître le moindre droit palestinien, mais uniquement qu’Israël s’entretiendrait avec l’OLP. Quatre jours plus tard, les deux hommes signaient la déclaration de principe d’Oslo sur la pelouse de la Maison-Blanche.

Arafat, naguère encore l’ennemi implacable d’Israël, avait accordé sa légitimité et son droit d’exister à l’État qui avait chassé son peuple de sa terre natale et lui avait refusé le retour. Ce faisant, il transformait l’Organisation de libération de la Palestine en une entreprise de sous-traitance œuvrant pour le compte de la puissance occupante dont les Palestiniens cherchaient à se libérer. Mais Israël ne se satisfaisait pas de ses gains et se mit à placer la barre plus haut encore en exigeant que les Palestiniens le reconnaissent comme un « État explicitement juif », ce qui signifiait en pratique un État avec une majorité juive prépondérante, au sein duquel les Juifs pourraient toujours monopoliser le pouvoir politique.

Arafat céda, acceptant en effet cette exigence dans un éditorial du New York Times en 2002 : « Nous comprenons les préoccupations démographiques d’Israël et comprenons également que le droit au retour des réfugiés palestiniens, un droit garanti par les lois internationales et par la Résolution 194 des Nations unies, doit être appliqué d’une façon qui tienne compte de ces préoccupations (2). » En d’autres termes, Arafat était tout disposé à subordonner les droits des réfugiés palestiniens à l’exigence israélienne en faveur de la suprématie juive.

Pourtant, cela ne suffisait pas encore. Dans sa réponse officielle exposant ses objections à propos du plan de paix de la « Feuille de route » de George W. Bush, en 2003, Israël exigeait que « des références affirmées fussent faites au droit d’exister d’Israël en tant qu’État juif et au renoncement à tout droit au retour des réfugiés palestiniens dans l’État d’Israël (3) ».

Et, alors qu’il se trouvait aux côtés du nouveau président américain Barack Obama, à la Maison-Blanche en mai 2009, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou insista sur le fait que, pour la reprise des négociations, « les Palestiniens auraient à reconnaître Israël en tant qu’État juif (4) ».

Alors que pratiquement aucun pays n’avait encore soutenu cette exigence d‘Israël, ses principaux partisans et alliés internationaux l’ont fait. Adoptant le langage israélien presque textuellement, Obama déclara en 2011 au groupe de pression pro-israélien AIPAC que « le but ultime était deux États pour deux peuples : Israël comme État juif et patrie du peuple juif, et l’État de Palestine comme patrie du peuple palestinien (5) ».

De même, le Premier ministre canadien Stephen Harper promit à Netanyahou que son pays « continuerait à soutenir le droit d’Israël à exister en tant qu’État juif et ce, dans la paix et la sécurité (6) ». Ce n’est pas un hasard si Israël défend cette exigence avec une ferveur accrue au moment où les Palestiniens deviennent de nouveau majoritaires dans la Palestine historique – c’est-à-dire Israël, la Cisjordanie et la bande de Gaza reunis – et si Israël rend plus improbable encore la possibilité déjà éloignée d’une solution à deux États.

Au vu du caractère prioritaire de la revendication israélienne, la question de savoir si Israël a effectivement le « droit d’exister en tant qu’État juif »mérite qu’on l’examine avec sérieux…

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Ce texte introduit le deuxième chapitre du livre « The battle for justice in Palestine », écrit par Ali Abunimah, et édité en 2014 par Haymarket Books.

Lire le chapitre traduit en français :

Ali Abunimah : “Israël a-t-il le droit d’exister en tant qu’Etat juif”?

Ali Abunimah, journaliste palestino-américain est le cofondateur de ’The Electronic Intifada’ et également l’autre de  « One Country : « A bold Proposal to end the Israeli-Palestinian Impasse ».

On peut suivre Ali Abunimah sur Twitter : @AliAbunimah

Traduction du chapitre: Jean-Marie Flémal

 

Notes
(1)-Ministère israélien des Affaires étrangères, « Reconnaissance mutuelle entre Israël et l’OLP – Lettres et discours – 10 septembre 1993 »,
http://mfa.gov.il/MFA/ForeignPolicy/MFADocuments/Yearbook9/Pages/107%20Israel-PLO%20Mutual20Recognition-%20Letters%20and%20Spe.aspx.
(2)-Yasser Arafat, « La vision palestinienne de la paix », New York Times, 3 février 2002.
(3)-Ministre israélien des Affaires étrangères, « La réponse d’Israël à la Feuille de route », 25 mai 2003,
http://www.mfa.gov.il/MFA/Peace+Process/Reference+Documents/Israel+Response+to+the+Roadmap+25-May-2003.htm.
(4)-Maison-Blanche, « Remarques du président Obama et du Premier ministre israélien Netanyahou lors de leur conférence de presse », communiqué de presse, 18 mai 2009, http://www.whitehouse.gov/the-press-office/remarks-president-obama-and-israeli-prime-minister-netanyahu-press-availability.
(5)-Maison-Blanche, « Remarques du président Obama lors de la conférence politique de l’AIPAC en 2011 », communiqué de presse, 22 mai 2011,http://www.whitehouse.gov/the-press-office/2011/05/22/remarks-president-aipac-policy-conference-2011.
(6)-Cabinet du Premier ministre du Canada, « Déclaration du Premier ministre du Canada lors d’une conférence de presse commune avec Benjamin Netanyahou, Premier ministre de l’État d’Israël », communiqué de presse, 2 mars 2012, http://pm.gc.ca/eng/media.asp?id=4675.

http://www.pourlapalestine.be/israel-a-t-il-le-droit-dexister-en-tant-quetat-juif/

Par Mazin Qumsiyeh

Israël a volé une grande partie de la Palestine

9 octobre 2013

Les Palestiniens ont les moyens du changement et de la résistance

Le 28 novembre 1947, la CIA a correctement prévu les conséquences de lʼappui de Truman à la partition de la Palestine : « Des hostilités armées éclateront entre les Juifs et les Arabes si lʼAssemblée Générale de lʼONU accepte le plan de partition de la Palestine… Le conflit qui en résultera perturbera gravement la stabilité sociale, économique et politique du monde arabe, et les intérêts commerciaux et stratégiques des USA seront dangereusement menacés… La pauvreté, lʼagitation et le désespoir, qui constituent le terreau de la propagande communiste, augmenteront partout dans le monde arabe. »

20 ans ont passé depuis le début du processus dʼOslo et nous pouvons dégager une analyse posthume de lʼéchec des douzaines dʼinitiatives et de plans pour « la paix » ou la pacification. Certains nous diront que nous nʼavons ou nʼavions guère le choix.

Il y a dix ans, notre ami disparu, le professeur Edward Said, a écrit : « Qui, maintenant, pose les questions existentielles relatives à notre futur en tant que peuple ? La tâche ne peut être laissée à un mélange de religieux fanatiques et de moutons soumis et fatalistes… Nous sommes à deux doigts dʼune espèce de soulèvement qui ne laissera presque rien dʼintact, peut-être même presquʼaucune déclaration exceptée lʼinjonction finale implorant lʼextinction. Le temps nʼest-il pas venu pour nous, collectivement, dʼexiger et formuler une alternative purement arabe au cataclysme qui est sur le point dʼengloutir notre monde ? »

Aujourdʼhui, sept des douze millions de Palestiniens du globe sont des réfugiés ou des personnes déplacées. Il y a quelques 5,8 millions dʼIsraéliens et presque 6 millions de Palestiniens qui vivent sous lʼapartheid de lʼétat israélien. La moitié des juifs qui vivent en Palestine sont des immigrants. Israel a volé la plus grande partie du pays et contrôle maintenant quelques 93% de la terre de Palestine (avant lʼinvasion britannique et la déclaration Balfour, les juifs indigènes ou sionistes ne possédaient, collectivement, que 2% de la Palestine).

Il est tentant, pour certains, de perdre la foi dans la possibilité de libération et de justice, 132 ans après la première colonie sioniste et 65 ans après la Nakba de 1948.

Voici une phrase célèbre du mouvement pour les droits civiques dans les années soixante, aux Etats unis, « libère ton esprit et ton cul suivra ». En effet, si nous libérons notre esprit, nous voyons quʼil y a encore de nombreuses possibilités, malgré la tentative de nos oppresseurs de nous convaincre que tout espoir est perdu, quʼil nʼy a plus rien à faire, excepté se rendre ou inventer des slogans vides de sens.

En effet, en tant que peuple, nous pouvons et devons continuer à avancer. Quelles sont nos possibilités, en dehors de la rhétorique et du défaitisme ? Cʼest-à-dire en dehors des politiques actuelles de discuter sans fin, de négocier sans fin, à partir dʼune position faible. Les autres options ne sont ni magiques ni nouvelles ; nombreux sont ceux qui les ont articulées en visions claires dans des études innombrables.

Pourquoi ne pas raviver la charte originale de lʼOLP pour libérer toute la Palestine ? Pourquoi ne pas démocratiser lʼOLP pour représenter réellement les 12 millions de Palestiniens de la planète ? Pourquoi ne pas refuser dʼéliminer la résistance et au contraire sʼengager dans une résistance populaire massive dans toute la Palestine historique ?

Pourquoi ne pas entrer en résistance dans des zones extérieures à la Palestine ? Pourquoi ne pas cibler les compagnies et intérêts sionistes de par le monde par du boycott économique et même du sabotage ? Pourquoi ne pas dénoncer et sʼopposer au réseau de lobbyistes sionistes qui soutiennent les crimes de guerre et défendent le contrôle sioniste ? Pourquoi ne pas sʼengager dans des campagnes éducatives, ds campagnes médiatiques, ainsi que du lobbying dans le monde entier ?

Pourquoi ne pas construire des alliances avec des états puissants qui pourraient offrir protection et soutien, comme la Chine, la Russie ou le Brésil ? Pourquoi ne pas promouvoir le boycott, le désinvestissement et les sanctions ? Pourquoi ne pas travailler à travers les agences internationales, y compris la Cour Internationale de Justice, pour traduire en justice les criminels de guerre israéliens et contester le droit de cet état à être membre de lʼONU et de toutes ses agences ? Pourquoi ne pas faire tout ce qui vient dʼêtre énuméré et même plus encore ?

Les politiciens ne tiennent pas à envisager le changement parce quʼils se croient importants. Pour justifier leur inaction et leur manque de principe, ils vont jusquʼà mentir. Mais le peuple peut et doit forcer les politiciens àchanger. Quelle que soit la façon dont ils sont arrivés au pouvoir ou la nature de leur gouvernement, les dirigeants ne peuvent pas se permettre dʼignorer les fortes exigences du peuple. Mais si le peuple est complaisant et ignorant, cʼest alors le meilleur scénario pour les politiciens du statu quo.

Nous avons vu la politique de lʼEmpire Ottoman changer et passer du soutien au sionisme à son rejet. Nous avons vu des changements dans la politique britannique suite à la révolution palestinienne de 1936 et aux pressions continues, y compris récemment, quand le parlement britannique a voté contre lʼattaque de la Syrie pour le compte dʼIsraël. Et nous avons vu la force de la résistance dans les années 1987-1991, qui défiait la complaisance des leaders aussi bien de Tel aviv que de Tunis.

Nous pouvons sans doute aussi tirer les leçons de la limitation de la supériorité militaire, que ce soit au Vietnam dans les années 60 ou en Irak en 2003, au Liban en 2006 ou Gaza en 2008. Plus récemment, nous voyons des changements et des reculs dramatiques dans lʼaffrontement à propos de la Syrie et de lʼIran. Lʼ Histoire est dynamique, elle nʼest pas statique. Elle nʼest donc pas au goût des politiciens du statu quo.

Le projet sioniste original était le contrôle de toute la zone entre lʼEuphrate et le Nil. Nous voici 130 ans plus tard et même la zone entre le Jourdain et la Méditerranée est à parts grossièrement égales entre les juifs israéliens et les Palestiniens. Quand la déclaration Balfour est sortie en 1917, il y avait 650 000 Palestiniens en Palestine ; aujourdʼhui ils sont presque 6 millions.

Ceci nʼest certainement pas un scénario désespérant. Après que notre existence ait été niée si longtemps, le drapeau palestinien flotte maintenant partout en Palestine, même à lʼintérieur de la ligne verte. Ceci ne devrait certainement pas être au prix de lʼaffichage de ce même drapeau sur les uniformes de services de sécurité qui empêchent les Palestiniens dʼentrer en résistance ou comme toile de fond, avec drapeaux israéliens et étazuniens, dans dʼinterminables négociations.

Un jour Martin Luther King Jr. a dit : « le lâche pose la question – est-ce sûr ? Lʼopportuniste pose la question – est-ce politique ? Le vaniteux pose la question – est-ce populaire ? Mais le conscient pose la question – est-ce juste ? Et voici venir une époque où lʼon doit prendre une position qui nʼest ni sûre, ni politique, ni populaire ; mais on doit prendre cette position parce quʼelle est juste. »

Mazin Qumsiyeh – 6 octobre 2013

Lʼauteur est professeur à lʼUniversité de Bethléhem. Il a déjà travaillé pour les
facultés de l
ʼUniversité du Tennessee, Duke et Yale.

Traduit de l’anglais par Chris (09.10.2013) :
http://www.ism-france.org/analyses/Les-Palestiniens-ont-les-moyens-du-changement-et-de-la-resistance-article-18468

Texte original en anglais (06.10.2013) :
http://popular-resistance.blogspot.com/2013/10/options.html
http://www.maannews.net/eng/ViewDetails.aspx?ID=636397

Post scriptum : des agents payés par Israël ont déjà mis sur MaanNews des commentaires pour discréditer l’article de Qumsiyeh. Voir :
http://www.maannews.net/eng/ViewDetails.aspx?ID=636397

http://www.silviacattori.net/spip.php?article4943

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