Israël n’a jamais reconnu ses citoyens palestiniens

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Des milliers de Palestiniens ont participé mardi à la Marche du Retour qui s’est déroulée sur le site du village détruit d’Al-Kabri en Galilée. Le texte ci-dessous est la traduction du discours prononcé à cette occasion par Anat Matar, membre du Comité israélien de soutien aux prisonniers palestiniens.

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Des Palestiniens à la Marche du Retour Galilée, 2 mai 2017. (Maria Zreik/Activestills)

Anat Matar,  +972 Blog | 3 mai 2017

Je suis profondément reconnaissante d’avoir l’occasion de vous parler aujourd’hui.

On dit que nous sommes à une époque où la vérité n’a pas d’importance. Mais cela ne concerne que ceux qui ont quelque chose à cacher, qui refusent d’abandonner leur pouvoir au cas où la vérité serait révélée.

Nous, l’ensemble des Palestiniens et les Juifs qui souhaitent se joindre à nous  pour construire un État pour tous ses citoyens, nous nous en tenons à la vérité. C’est l’objectif principal de la marche des déplacés. C’est l’objectif des événements qui marquent la Nakba. Les histoires des villages détruits, des villes dépeuplées, des centres culturels démolis, d’un mode de vie disparu, des tués, des blessés et des déplacés, de ceux auxquels les terres ont été volées et qui ne peuvent y retourner, voilà les histoires que nous devons raconter et que nous devons nous battre pour corriger.

Mais la vérité c’est aussi que la Nakba continue. Nous le voyons cette année plus que jamais  dans la vague de démolitions de maisons : à Umm al-Hiran, al-Araqib, Qalansuwa, dans la Vallée du Jourdain, dans les collines au Sud d’Hebron et au-delà. Ce processus est systématique et intentionnel. Il y a exactement un mois la « loi Kaminitz » votée à la Knesset, permet que la démolition de maisons soit expéditive et que les Palestiniens, dont les villes n’ont pas de schéma d’aménagement, soient incriminés. Au lieu de reconnaître le vol des terres et d’essayer d’y remédier, Israël poursuit sa politique de vol et d’oppression.

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Des Palestiniens à la Marche du Retour Galilée, 2 mai 2017. (Maria Zreik/Activestills)

 

L’État sioniste n’a jamais reconnu ses citoyens palestiniens : il ne les reconnaît ni comme citoyens ni comme Palestiniens. En tant que citoyens, les Palestiniens sont discriminés dans tous les domaines : dans l’éducation, la justice, l’accès à des emplois stables, les transports publics et les services de proximité, les droits garantis aux couples mariés, le foncier attribué aux conseils régionaux, et bien sûr dans la planification et la construction de nouveaux villages. Les citoyens palestiniens sont aussi discriminés dans la façon de traiter la délinquance dans les villages arabes, en particulier dans le phénomène dérangeant des meurtres de femmes. C’est un autre aspect de déni par l’État de l’existence de citoyens palestiniens, de citoyens qu’il est censé protéger.

Pire encore, la police et l’État ne sont pas seulement en défaut de protection des Palestiniens, ils incitent à la haine contre eux et, comme nous l’avons vu à plusieurs reprises cette année, les présentent comme l’ennemi, que ce soit dans les déclarations racistes du premier ministre, du ministre de la sécurité intérieure ou du commissaire de police, à propos de la vague d’incendies et des événements de Umm-al-Hiran.

Nous voyons déjà le revers du refus de l’État de reconnaître ses citoyens palestiniens : le refus d’accepter leur identité et le harcèlement des acteurs politiques palestiniens. La proscription de la branche Nord du mouvement islamique, avec tous ses services religieux, d’assistance sociale et d’éducation ainsi que ses media, est l’expression la plus aiguë et la plus terrible de cette attitude.

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Des Palestiniens à la Marche du Retour Galilée, 2 mai 2017. (Maria Zreik/Activestills)

 

Le harcèlement répété des artistes palestiniens est une manifestation de plus de ce refus d’accepter la société palestinienne comme palestinienne ; c’est aussi le signe du refus de permettre à cette société de narrer son propre récit, d’organiser ses propres affaires religieuses, d’assistance sociale et d’éducation, et de mettre en œuvre sa propre langue, ses propres valeurs et sa propre culture. Le Théâtre Al-Midan et le poète Darin Tatour ont tous deux été victimes de ce harcèlement.

La discrimination des prisonniers politiques palestiniens est aussi en lien avec ce refus, surtout vis-à-vis de ceux qui sont citoyens d’Israël. La grève de la faim des prisonniers, qui est maintenant dans sa troisième semaine, nous incite à ne pas oublier ces gens, dont certains sont en prison depuis plus de trente ans ; parmi eux se trouve mon ami Walid Daka dont j’attends chaque jour qui passe, la mise en liberté.

Nous vivons des temps de répression plus que de progrès, où le pouvoir populiste et violent de la droite se développe dans le monde entier. Mais nous ne pouvons pas abandonner l’espoir ni les efforts pour le concrétiser. Aussi je veux aujourd’hui lancer l’appel suivant :

Non aux démolitions de maisons ! Non à l’incitation à la haine de la population palestinienne ! Non aux arrestations politiques !

Oui au retour des déplacés ! Oui à la libération des prisonniers politiques ! Oui à une politique de justice, de reconnaissance et d’égalité !

 

Anat Matar enseigne la philosophie à l’Université de Tel Aviv ; elle est membre du Comité israélien de soutien aux prisonniers palestiniens. Ce texte a été publié à l’origine en hébreu sur Local Call. Traduction Natasha Roth.

Traduction SF pour l’Agence Media Palestine

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