Les snipers ont reçu l’ordre de tirer sur des enfants, confirme un général israélien

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Droits et Responsabilité- 22 avril 2018

Le général de brigade (de réserve) israélien Zvika Fogel

Un général israélien a confirmé que, lorsque les snipers postés le long de la frontière d’Israël avec Gaza ont tiré sur des enfants, ils l’ont fait délibérément, obéissant à des ordres clairs et spécifiques.

Dans une interview à la radio, le général de brigade (de réserve) Zvika Fogel raconte comment un sniper identifie le « petit corps » d’un enfant et reçoit l’autorisation de tirer.

On pourrait utiliser les déclarations de Fogel comme preuve d’intention si jamais les dirigeants israéliens sont jugés pour crimes de guerre devant la Cour Pénale Internationale.

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Vendredi, un sniper israélien a abattu le jeune Muhammad Ibrahim Ayyoub de 14 ans.

Le garçon, frappé à la tête à l’Est de Jabaliya, était le quatrième enfant parmi les plus de 30 Palestiniens tués pendant les rassemblements de la Grande Marche du Retour qui ont débuté à Gaza le 30 mars.

Plus de 1.600 autres Palestiniens ont été frappés par des balles réelles qui ont causé ce que les médecins appellent « d’horribles blessures » susceptibles de laisser nombre d’entre eux en invalidité permanente.

Comme l’ont confirmé des témoins et une vidéo, L’enfant Muhammad Ayyoub ne présentait aucun danger possible pour les forces d’occupation israéliennes lourdement armées, postées des dizaines de mètres plus loin derrière les barrières et les fortifications de terre de l’autre côté de la frontière de Gaza, lorsqu’il a été tué.

Même le généralement timide envoyé spécial des Nations Unies pour le processus de paix, Nickolay Mladenov, a déclaré publiquement que ce meurtre était « scandaleux ».

Cibler des enfants

Samedi, le général de brigade Fogel a été interviewé par Ron Nesiel sur la radio publique israélienne Kan.

Fogel est l’ancien chef d’état major du « commandement méridional » de l’armée israélienne, qui comprend la Bande de Gaza occupée.

Ahmad Tibi, législateur palestinien au parlement d’Israël, a attiré l’attention sur cette interview dans un tweet.

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Un enregistrement de cette interview est en ligne (il commence à 6’52). L’interview a été traduite pour The Electronic Intifada par Dena Shunra et sa transcription complète se trouve à la fin de cet article.

Son hôte Ron Nesiel demande à Fogel si l’armée israélienne a dû « repenser sa façon d’utiliser les snipers » et laisse entendre qu’un des donneurs d’ordre « a abaissé le niveau autorisant les tirs à balles réelles ».

Fogel défend imperturbablement cette ligne de consuite, déclarant : « Sur un plan tactique, toute personne qui s’approche de la barrière, quiconque pourrait devenir une menace pour la frontière de l’État d’Israël et pour ses résidents, devrait payer le prix de cette violation. »

Il ajoute « Si cet enfant ou quiconque d’autre s’approche de la barrière afin d’y cacher un engin explosif ou pour chercher s’il n’y a pas un angle mort ou pour couper la barrière afin que quelqu’un puisse s’infiltrer sur le territoire de l’État d’Israël pour nous tuer… »

« Alors, sa punition, c’est la mort ? » lance Nesiel.

« Sa punition, c’est la mort », réplique le général. « En ce qui me concerne, alors oui, si vous pouvez au moins l’atteindre pour l’arrêter, à la jambe ou au bras – formidable. Mais si cela va plus loin, alors oui, vous voulez vérifier avec moi quel sang nous est le plus proche, le nôtre ou le leur. »

Fogel décrit alors le processus soigneux par lequel les cibles – dont les enfants – sont identifiées et abattues :

« Je sais comment ces ordres sont donnés. Je sais comment un sniper organise son tir. Je sais de combien d’autorisations il a besoin avant de recevoir l’autorisation d’ouvrir le feu. Il ne s’agit pas d’une lubie de l’un ou l’autre sniper qui identifie le petit corps d’un enfant et décide qu’il va tirer. Quelqu’un identifie précisément la cible pour lui et lui dit exactement pourquoi on doit tirer et quelle menace représente cet individu. Et à mon grand regret, parfois quand vous tirez sur un petit corps et que vous avez l’intention de le frapper au bras ou à l’épaule, cela peut frapper un peu plus haut. »

Pour « cela peut frapper un peu plus haut », Fogel utilise une locution en hébreu qui veut dire aussi « cela peut coûter un peu plus cher ».

Dans cette déclaration glaçante, où un général parle de snipers qui ciblent « le petit corps d’un enfant » Fogel démontre avec une évidence transparente que cette ligne de conduite est préméditée et délibérée.

Alors qu’il présente des enfants palestiniens non armés comme de dangereux terroristes dignes de mourir, Fogel décrit les snipers qui les tuent de sang froid comme la partie innocente, vulnérable, qui mérite protection.

« Nous avons là des soldats, nos enfants, qui ont été envoyés et reçoivent des instructions très précises pour savoir sur qui ils doivent tirer pour nous protéger. Soutenons les », dit-il.

Politique létale

Les déclarations de Fogel ne sont pas une aberration mais représentent la politique israélienne.

« Les responsables israéliens ont établi clairement que les instructions pour ouvrir le feu autoriseraient des tirs mortels sur quiconque essaierait d’endommager la barrière, y compris sur toute personne qui s’en approcherait à moins de 300 mètres », a déclaré B’Tselem, association israélienne de défense des droits de l’Homme, dans une récente analyse du ciblage illégal par Israël de civils non armés ne représentant aucune menace.

« Et pourtant, tous les responsables de l’État ou de l’armée ont inébranlablement refusé d’annuler les ordres illégaux et continuent à les donner – et à les justifier- », a ajouté B’Tselem.

B’Tselem a demandé aux soldats individuellement de défier ces ordres illégaux.

A la suite de ses enquêtes sur les meurtres « calculés » de manifestants non armés le 30 mars dernier, premier jour des rassemblements de la Grande Marche du Retour à Gaza, Human Rights Watch a conclu que ces mesures gravement létales étaient « planifiées au niveau le plus haut du gouvernement israélien ».

Deux semaines plus tôt, la procureure générale de la Cour Pénale Internationale a émis une mise en garde sans précédent comme quoi les dirigeants israéliens pouvaient avoir à faire face à un procès pour le meurtre de manifestants palestiniens non armés dans la Bande de Gaza.

Les accusés potentiels feraient un beau cadeau à tout procureur en admettant ouvertement que tuer des gens non armés dans un territoire occupé et qui ne représentent aucune menace fait partie de leur politique et de leurs intentions.

Reste à savoir si quelque chose va pouvoir finalement transpercer le bouclier d’impunité dont Israël jouit depuis 70 ans.

Ali Abunimah

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Transcription complète

Le général de brigade (de réserve) Zvika Fogel interviewé sur le programme Yoman Hashevua de radio Kan en Israël le 21 avril 2018.

Ron Nesiel : Je vous salue général de brigade (Res.) Zvika Fogel. Les FDI devraient-elles repenser leur façon d’utiliser les snipers ? On a l’impression que quelqu’un a peut-être abaissé le niveau d’autorisation de tirs à balles réelles et que ceci pourrait en être le résultat ?

Zvika Fogel : Ron, permettez moi de considérer cette question sur trois niveaux. Au niveau tactique que nous aimons tous utiliser, le niveau local, également au niveau des valeurs et, avec votre autorisation, nous allons aussi nous élever au niveau stratégique. Au niveau tactique, toute personne qui s’approche de la barrière, quiconque pourrait devenir une menace pour la frontière de l’État et pour ses résidents, devrait payer le prix de cette violation. Si cet enfant ou quiconque d’autre s’approche également de la barrière afin d’y cacher un engin explosif ou vérifier s’il y a là un angle mort ou pour couper la barrière afin qu quelqu’un puisse s’infiltrer sur le territoire d’Israël pour nous tuer…

Nesiel : Alors, alors sa punition, c’est la mort ?

Fogel : Sa punition, c’est la mort. En ce qui me concerne, alors oui, si vous ne pouvez que tirer sur lui pour l’arrêter, à la jambe ou au bras – formidable. Mais si cela va plus loin, alors oui, vous voulez vérifier avec moi quel sang vous est le plus proche, le nôtre ou le leur. Il est clair pour vous que si cette personne arrive à traverser la barrière ou à y cacher un engin explosif…

Nesiel : Mais on nous a dit qu’on ne tirait à balles réelles que si les soldats se trouvaient face à un danger immédiat.

Fogel : Allez, déplaçons nous au niveau des valeurs. En supposant que nous avons compris le niveau tactique, comme nous ne pouvons tolérer le passage de notre frontière ou une violation de notre frontière, avançons jusqu’au niveau des valeurs. Je ne suis pas Ahmad Tibi, je suis Zvika Fogel. Je sais comment ces ordres sont donnés. Je sais comment un sniper organise son tir. Je sais de combien d’autorisations il a besoin avant de recevoir l’autorisation d’ouvrir le feu. Il ne s’agit pas de la lubie de l’un ou l’autre sniper qui identifie le petit corps d’un enfant et décide alors qu’il va tirer. Quelqu’un identifie précisément la cible pour lui et lui dit exactement pourquoi on doit tirer et quelle menace représente cet individu. Et à mon grand regret, parfois quand vous tirez sur un petit corps et que vous avez l’intention de le frapper au bras ou à l’épaule, cela peut frapper un peu plus haut. L’image n’est pas jolie. Mais si c’est le prix que nous devons payer pour la sécurité et la qualité de vie des résidents de l’État d’Israël, alors c’est le prix. Mais maintenant, avec votre permission, montons d’un niveau pour avoir une vue d’ensemble. Il est clair pour vous que le Hamas se bat pour faire prendre conscience en ce moment. Il est clair pour vous et pour moi…

Nesiel : Est-ce que ça leur est difficile ? Ne leur fournissons nous pas suffisamment d’armes dans ce combat ?

Fogel : Nous leur en fournissons, mais…

Nesiel : Parce que tout cela ne nous fait pas du bien, ces images distribuées dans le monde entier.

Fogel : Regardez, Ron, nous sommes même terribles à ce jeu. On ne peut rien y faire, David paraît toujours meilleur face à Goliath. Et dans ce cas, nous sommes Goliath, pas David. C’est parfaitement clair pour moi. Mais regardons cela au niveau stratégique : vous et moi et une grande partie des auditeurs savons parfaitement que cela ne prendra pas fin dans des manifestations. Il est clair pour nous que le Hamas ne peut pas continuer à accepter que ses roquettes ne puissent pas nous faire de mal, que ses tunnels s’érodent…

Nesiel : Oui.

Fogel : Et il n’a pas tellement de kamikazes qui continuent à croire le conte de fées des vierges qui les attendent là-haut. Il va nous entraîner dans une guerre. Je ne veux pas être du côté de ceux qu’on entraîne. Je veux être du côté de ceux qui prennent l’initiative. Je ne veux pas attendre le moment où il trouve le point faible par où m’attaquer. Si demain matin, il pénètre dans une base militaire ou un kibboutz et y tue des gens et fait des prisonniers de guerre ou des otages, appelez cela comme vous voulez, nous sommes dans u tout autre scénario. Je veux que les dirigeants du Hamas se réveillent demain matin et, pour la dernière fois de leur vie, voient les visages souriants des FDI. Voilà ce que je veux voir arriver. Mais on nous entraîne. Alors, nous postons des snipers en hauteur parce que nous voulons préserver les valeurs dans lesquelles nous avons été élevés. Nous ne pouvons pas toujours prendre une seule photo et la présenter au monde entier. Nous avons là des soldats, nos enfants, qui ont été envoyés et reçoivent des instructions très précises pour savoir sur qui ils doivent tirer pour nous protéger. Soutenons les.

Nesiel : Général de brigade (Rés.) Zvika Fogel, ancien chef d’état major du commandement méridional, merci pour vos paroles.

Fogel : En espérant que vous entendrez de bonnes nouvelles. Merci.

Traduction : J. Ch. pour l’Agence Média Palestine

Source : The Electronic Intifada

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