Qu’est-ce que le “jour du drapeau” à Jérusalem et pourquoi est-il si controversé ?

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Les organisateurs célèbrent la prise de Jérusalem-Est en juin 1967 et son occupation ultérieure, ou ce que le gouvernement israélien appelle la “réunification” de Jérusalem.

Journée de Jérusalem   = une célébration coloniale, raciste et nationaliste parrainée pat l’État d’Israël

Selon Aviv Tatarsky, chercheur à l’organisation de défense des droits de l’homme Ir Amin, la marche du drapeau de Jérusalem ” (en Israël) est l’un des exemples les plus frappants de célébrations racistes et nationalistes  parrainées par l’État”.

NDLR.

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Al Jazeera

Jérusalem – À quelques jours de la marche d’extrême droite qui aura lieu à Jérusalem le jour du drapeau, les tensions sont vives dans tout Israël, en Cisjordanie occupée et dans la bande de Gaza sous blocus, menaçant de perturber le cessez-le-feu conclu samedi entre le Jihad islamique palestinien et Israël, après qu’au moins 33 Palestiniens ont été tués au cours d’un bombardement israélien qui a duré quatre jours. Un Israélien a également été tué par un tir de roquette palestinien.

Les organisateurs de la marche s’attendent à ce qu’un nombre record de personnes – jusqu’à 100 000 – participent au défilé, qui célèbre la prise de Jérusalem-Est en 1967 et son occupation ultérieure, ou ce que le gouvernement israélien appelle la “réunification” de Jérusalem.

Des milliers de jeunes juifs orthodoxes devraient défiler avec provocation dans le quartier musulman de la vieille ville, ce qui, par le passé, a donné lieu à des attaques répétées contre des Palestiniens.

Pour mieux comprendre la situation :

Histoire et symbolisme

Selon Aviv Tatarsky, chercheur à l’organisation de défense des droits de l’homme Ir Amin, la marche du drapeau de Jérusalem “est l’un des exemples les plus frappants de célébrations racistes et nationalistes parrainées par l’État”.

L’itinéraire de la marche a changé au fil des ans. Conçu à l’origine pour recréer le parcours des soldats israéliens qui se sont emparés de la vieille ville le 7 juin 1967, l’itinéraire actuel passe par la porte de Damas et le quartier musulman très peuplé.

Bien que l’entrée dans l’enceinte de la mosquée Al-Aqsa ne fasse pas officiellement partie de la marche elle-même – et que l’itinéraire de la marche entre délibérément dans la vieille ville par les portes de Sion et de Damas, et non par la porte des Lions près de la mosquée Al-Aqsa – divers groupes appelant à l’établissement d’un temple juif sur le site espèrent encourager un nombre record de Juifs à entrer dans l’enceinte d’Al-Aqsa à l’occasion de la Journée de Jérusalem.

La plupart des participants appartiennent au camp “sioniste religieux” des juifs orthodoxes, qui donnent une signification messianique à la prise de Jérusalem par Israël en 1967. Cependant, malgré les dégâts causés par les participants ces dernières années, l’un des jeunes organisateurs, Yekutiel Epstein, affirme que la marche “n’a aucun intérêt à disperser le racisme, mais qu’il s’agit plutôt d’amour et de remercier Dieu de nous avoir ramenés sur la terre d’Israël après 2 000 ans d’exil”.

L’un des groupes non religieux participant à la manifestation est La Familia, un groupe de supporters d’extrême droite associé au club de football Beitar Jerusalem, tristement célèbre pour avoir prôné que le club reste “à jamais pur » de Palestiniens et de musulmans.

Selon David Mizrahi, natif de Jérusalem et cofondateur de La Familia, “le jour de Jérusalem a longtemps consisté à se rendre au [Mur occidental] et à prier… à un moment donné, c’est devenu une célébration nationaliste”.

Mizrahi, qui a depuis quitté le groupe et donne des conférences contre le racisme dans les écoles israéliennes, admet que lui et La Familia ont utilisé la marche pour intimider les familles du quartier musulman. Nous frappions aux portes […] pour faire passer le message suivant : “Nous sommes les [vrais] propriétaires”.

Pourquoi la marche continue à être autorisée ?

En 2015, constatant la présence accrue de groupes d’extrême droite incitant à la haine envers les Palestiniens, plusieurs organisations de défense des droits de l’homme de Jérusalem ont demandé à la Cour suprême d’Israël de modifier l’itinéraire du défilé pour l’éloigner du quartier musulman.

Itay Mack, qui a représenté les requérants contre la ville de Jérusalem, la police et les organisateurs du défilé, décrit les juges de la Cour suprême israélienne comme “choqués” par les preuves de violence raciste qu’il a rassemblées.

“La Cour suprême est habituée à recevoir des preuves de la violence contre les Palestiniens en Cisjordanie”, a déclaré M. Mack. La Cour n’aurait pas dû être surprise par la violence de la marche [même à Jérusalem] puisqu’il s’agit des mêmes groupes d’extrême droite et des “jeunes des collines” qui commettent des actes de terrorisme en Cisjordanie et que les juges connaissent bien mais ont tendance à ignorer.

Bien que le tribunal se soit prononcé pour le droit des organisateurs juifs à défiler dans le quartier musulman, la pétition a entraîné quelques changements mineurs sur le terrain.

Avant 2015, “les organisateurs ultranationalistes harcelaient les commerçants palestiniens tôt le matin de la marche et jusque tard dans la nuit”, a déclaré Mack, alors qu’actuellement “la police israélienne impose une limite de temps pour la marche dans la vieille ville”.

Le tribunal a également statué que les chants incitatifs, tels que “mort aux Arabes”, constituaient une “ligne rouge”, bien que Mack note que peu d’efforts sont faits pour les arrêter. “Avec la décision du tribunal, nous n’avons plus d’options légales pour nous opposer à cette marche haineuse.

Le tribunal a justifié sa décision en prétextant que l’événement pouvait se dérouler en toute sécurité avec un maintien de l’ordre suffisant – 2 000 officiers de police et 1 000 autres membres du personnel de sécurité seraient en service. Ce point de vue, a déclaré M. Tatarsky, “[considère] la violence comme un résultat de la marche … [alors que] la marche elle-même est extrêmement violente contre des dizaines de milliers de Palestiniens de la vieille ville et des environs” qui sont forcés de quitter leur ville pour la journée.

Le point de vue des Palestiniens

Les commerçants et les habitants palestiniens du quartier musulman de la vieille ville, densément peuplé, réagissent avec exaspération et frustration lorsqu’on les interroge sur la “marche des drapeaux”.

Plusieurs d’entre eux, qui ont refusé de s’exprimer sur le sujet, la considèrent comme une “provocation inutile” et citent des exemples de vandalisme qui n’ont pas été suivis par la police israélienne, malgré la présence de “caméras partout”.

Hazem Qassem, porte-parole du Hamas, le groupe palestinien qui contrôle la bande de Gaza, a déclaré que la marche était une incitation et qu’elle obligerait le groupe à répondre à la “tentative [israélienne] de changer et d’imposer une identité juive à la ville de Jérusalem […] qui comprend des lieux saints musulmans et chrétiens”.

Bien que l’on ne sache pas encore si la “marche des drapeaux” déclenchera une nouvelle série de combats entre Israël et le Jihad islamique palestinien ou le Hamas, il y a peu d’efforts visibles pour calmer les tensions.

Les médias israéliens rapportent plutôt que les ministres d’extrême droite Itamar Ben-Gvir et Bezalel Smotrich participeront à la marche, comme ils l’ont fait les années précédentes.

Traduction : AFPS

 

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