Une Jérusalem divisée, sous injustice pendant qu’Israël célèbre sa conquète en 1967

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Charlie Hoyle – Ma’an News Agency – 28 mai 2014

Bethléhem (Ma’an) – Alors que des milliers d’Israéliens défilent dans Jérusalem-Est ce mercredi pour en célébrer leur acquisition en 1967, la communauté palestinienne continue de se battre pour survivre dans une cité marquée par des divisions politiques, économiques et sociales systématiques.
Chaque année, des milliers d’Israéliens de droite défilent à travers les quartiers de Jérusalem-Est et la Vieille Ville dans une fête nationale qui, selon le ministère du Tourisme d’Israël, célèbre la « libération » et la « réunification » de la cité.
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Une jeune israélienne regarde passer le défilé de la Journée de Jérusalem, porte de Damas, à Jérusalem-Est, mai 2013.

Mais pour les Palestiniens, qui constituent 40 % de la population, ce jour est un rappel de leur dépossession historique, et il accentue leur marginalisation en cours d’une ville qui était autrefois le centre politique, économique et culturel de la vie palestinienne.
Plus de 75 % des Palestiniens, 82 % de leurs enfants, vivent en dessous du seuil de pauvreté dans Jérusalem-Est, d’après l’Association pour les Droits civils en Israël (ACRI).
Il existe d’énormes disparités entre l’est et l’ouest de Jérusalem, en termes d’éducation, de santé, d’accès à l’eau et d’urbanisme, et Israël a de plus révoqué leur droit à résidence à 14 309 Palestiniens depuis son occupation de la ville en 1967, dont 106 rien qu’en 2013.
Les Palestiniens de Jérusalem se voient accorder un statut « de résident permanent », semblable à celui des citoyens étrangers non juifs qui font le choix de vivre en Israël, mais ils ne sont pas des citoyens israéliens.
Alors qu’ils constituent près de la moitié de la population de la cité, seuls 10 % du budget municipal de Jérusalem sont consacrés aux Palestiniens.
« Il est de plus en plus évident qu’Israël fait tout ce qu’il peut à l’intérieur de ses propres structures juridiques pour pousser les jeunes familles et couples palestiniens hors de la ville, » a déclaré à Ma’an, Micha Kurz, de l’organisation Grassroots Jerusalem, une ONG de Jérusalem-Est.
« Non seulement ils vivent dans des conditions de grande pauvreté, mais ils n’ont aucun accès à la santé. Ils ne peuvent pas trouver de travail, et aucun nouveau quartier palestinien ne s’est construit (depuis 1967) alors qu’Israël construit des colonies sur la terre palestinienne ».
Seuls 14 % de la ville de Jérusalem-Est sont réservés à la construction d’habitations palestiniennes, affirme ACRI, pendant que le tiers des terres palestiniennes a été confisqué depuis 1967 pour construire des colonies illégales pour juifs seulement.
La construction du mur de séparation a de plus retiré Jérusalem-Est de la Cisjordanie, et contraint près de 100 000 Palestiniens dans des secteurs comme Ras Khamis, Ras Shahada et le camp de réfugiés de Shuafat à vivre dans un « état d’abandon misérable », en périphérie de la ville.
Entre 60 et 80 000 Palestiniens de ces quartiers ont été coupés d’une fourniture régulière en eau pendant plus de trois mois.
La Journée de Jérusalem est un éloge au récit sioniste, dit Kurz, et elle est conçue de telle manière que les Israéliens restent dans l’ignorance que les Palestiniens n’ont pas le droit de vote au niveau national, qu’ils n’ont que peu de perspectives économiques, et ne profitent d’aucun des services publics apportés aux résidents juifs.
« Des milliers d’Israéliens défilent à travers les quartiers palestiniens en criant : “Il est temps pour vous de quitter cette ville”. Tel est l’objet de cette célébration ; c’est méthodique.
« Dans les dix ou vingt prochaines années, Jérusalem sera nettoyée des Palestiniens, sur le plan politique et économique, mais aussi culturel et religieux. Encore une génération, ou deux. »
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De jeunes Israéliens défilent porte de Damas, agitant des drapeaux israéliens et scandant des slogans nationalistes pour les célébrations de la Journée de Jérusalem.
(MaanImages/Charles Hoyle)
Estomper la Ligne verte
Bien que ce soit l’une des questions clés du statut final à résoudre pour tout futur accord de paix, les célébrations de la Journée de Jérusalem défendent le rejet net de l’idée que Jérusalem sera par la suite partagée entre Palestiniens et Israéliens.
« Alors que le gouvernement israélien prétend devant le pape François que les Israéliens protègent les chrétiens, la réalité est en fait tout autre : la Journée de Jérusalem est un rappel à tous que, pour le gouvernement israélien, dans la Jérusalem occupée il n’y a pas de place pour les Palestiniens, qu’ils soient chrétiens ou musulmans, » a déclaré à Ma’an, Xavier Abu Eid, conseiller en communication de l’OLP (Organisation de libération de la Palestine).
« Le message de la Journée de Jérusalem, c’est que Jérusalem appartient à un peuple, et que les Palestiniens n’y ont aucun droit, un message qu’aucun élément de la communauté internationale n’a corroboré, laquelle communauté n’a jamais reconnu l’annexion israélienne de Jérusalem-Est. »
Les célébrations consistent en un défilé à l’intérieur de la Vieille Ville dans lequel des milliers d’Israéliens, jeunes, radicaux, paradent triomphalement à travers les rues, brandissant des drapeaux israéliens et scandant des slogans nationalistes.
Dans le passé, les chants n’étaient que railleries racistes contre les Palestiniens et l’atmosphère était chargée de ferveur nationaliste.
Même si les célébrations sont plus l’affaire de la droite, Israël, depuis 1967, a créé une ville où la population palestinienne est invisible pour la grande majorité des Israéliens, avec deux populations délibérément séparées qui communiquent rarement.
« Il faudrait une campagne de sensibilisation de l’opinion, très sérieuse et de grande envergure, pour effacer les années de propagande en faveur d’une Jérusalem, ville éternelle et indivisible, » a dit à Ma’an, Emily Hauser, chroniqueuse au quotidien israélien Ha’aretz.
La Journée de Jérusalem est un « support de propagande utile » pour l’expression du sentiment de la droite israélienne, une base sur laquelle compte le gouvernement, mais qui reflète aussi les intentions de gouvernement, affirme Hauser.
« Je ne pense pas que le gouvernement actuel ait la moindre intention de négocier de bonne foi, et encore moins de partager Jérusalem. »
La plupart des Israéliens à Jérusalem, même le plus laïc ou le plus libéral, ne font aucune distinction entre les colonies illégales de Gilo ou Har Homa et les autres quartiers juifs, a dit Hauser, traduisant à quel point la politique du gouvernement israélien a « estompé la Ligne verte ».
« Les gens ignorent ce qu’il se passe à un mile de leur porte, et leurs gosses vont devoir perpétuer cela avec les armes. Près de 82 % des gosses palestiniens vivent dans la pauvreté. Comment cela pourrait-il être béni ? Et vous êtes en train de permettre et de perpétuer cela. »
Le 21 mai 1968, le Conseil de sécurité des Nations-Unies a réaffirmé que « l’acquisition de territoire par la conquête militaire est inadmissible ». (Résolution 252 du 21 mai 1968 du Conseil de sécurité concernant la situation à Jérusalem).
La résolution stipule que « toutes les mesures et dispositions législatives et administratives prises par Israël, y compris l’expropriation de terres et de biens immobiliers, qui tendent à modifier le statut juridique de Jérusalem sont non valides et ne peuvent modifier ce statut. »
En dépit de la position de la communauté internationale, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, mercredi, a déclaré devant la Knesset : « Jérusalem est réunifiée et ne sera jamais à nouveau divisée. »
« Célébrer la Journée dite de Jérusalem est la confirmation que le gouvernement israélien n’envisage pas de solution à deux États, » a dit à Ma’an, Xavier Abu Eid.
« Il n’y aura pas d’État palestinien sans Jérusalem-Est pour sa capitale ».
Résolution  252 : http://www.un.org/fr/documents/view_doc.asp?symbol=S/RES/252%281968%29
Ma’an News Agency : http://www.maannews.net/eng/ViewDetails.aspx?ID=700344
Traduction : JPP pour la CCIPPP

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