Les réponses du Comité national palestinien de BDS au rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté de religion ou de croyance

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15 juillet 2019

 

Réponses, par Omar Barghouti au nom du Comité national palestinien de BDS (BNC), aux questions du Dr. Ahmed Shaheed, rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté de religion ou de croyance.

 

  1. Pourriez-vous, s’il vous plaît, expliquer les principaux objectifs et les activités du mouvement de Boycott, désinvestissement et sanctions ? Comment ces activités sont-elles menées ?

OB : Les objectifs du mouvement BDS, comme spécifié dans l’appel BDS lancé par la société civile palestinienne en 2005, sont : la fin de l’occupation de 1967 par Israël, l’égalité totale pour les citoyens palestiniens d’Israël, et le respect et la reconnaissance du droit au retour des réfugiés palestiniens, en accord avec la résolution 194 de l’Assemblée générale des Nations unies. Ces objectifs sont fermement basés sur le droit international.

L’appel BDS a été lancé lors du premier anniversaire de l’avis consultatif de la Cour internationale de justice condamnant comme illégal le mur d’Israël en territoire palestinien occupé et appelant les états tiers à ne pas reconnaître ses conséquences et à oeuvrer pour qu’il soit démantelé.

La majorité absolue de la société civile palestinienne soutient le mouvement BDS et reconnaît que les trois objectifs de l’appel BDS constituent les conditions minimales requises pour que le peuple palestinien exerce son droit inaliénable à l’auto-détermination.

Inspiré par le mouvement anti-apartheid sud-africain et le mouvement des droits civiques aux Etats-Unis, BDS appelle à des mesures non violentes pour amener Israël à respecter ses obligations selon le droit international. Ces mesures incluent des boycotts et des initiatives de désinvestissement contre les corporations et les institutions israéliennes ou internationales qui favorisent les violations par Israël des droits humains palestiniens. Elles incluent aussi des sanctions ciblées et légales par des organisations étatiques, inter-étatiques ou internationales, conçues pour mettre un terme aux violations par Israël du droit international.

  1. Basées sur la déclaration « Le racisme et la discrimination raciale sont l’antithèse de la liberté, de la justice et de l’égalité », quelles sont les garanties mises en place pour s’assurer que les activités du mouvement sont compatibles avec les standards internationaux sur les droits humains et ne constituent pas une forme d’incitation, quelle qu’elle soit, à la haine ou à la violence ?

OB : Le mouvement non violent BDS pour les droits palestiniens, ancré dans la Déclaration universelle des droits humains, considère son ensemble anti-raciste de principes comme un de ses piliers fondamentaux. Comme l’affirme le document de référence : « Le mouvement BDS ne tolère aucun acte ni discours qui adopte ou promeut, entre autres, le racisme contre les Noirs, le racisme contre les Arabes, l’islamophobie, l’antisémitisme, le sexisme, la xénophobie ou l’homophobie. »

En conséquence, le mouvement BDS ne cible personne à cause de son identité juive ou israélienne. Le mouvement BDS, au contraire, cible des institutions et des entreprises commerciales à cause de leur implication dans des violations flagrantes par Israël des droits palestiniens et du droit international. Nous ne travaillons pas pour ceux qui incitent à la haine, au fanatisme ou à la violence raciale.

Cet engagement éthique est fondé sur notre profonde conviction que la justice et les droits humains sont indivisibles et que toute haine, toute offense et tout fanatisme contre des groupes humains basés sur une identité de race, de genre, d’orientation sexuelle, de religion ou toute autre identité doivent être rejetés et combattus par tous les défenseurs des droits humains, indépendamment de l’identité des coupables ou des victimes.

Le mouvement BDS sensibilise constamment les gens sur sa déclaration principielle antiraciste dans ses campagnes ainsi que dans ses communications internes et externes et son expression dans les médias. Il s’associe aussi avec des mouvements progressistes, des syndicats, des groupes de foi, des groupes d’étudiants, des associations universitaires, des collectifs d’artistes, des groupes féministes et LGBTQI, qui partagent ses valeurs et ses principes antiracistes.

  1. Beaucoup de groupes juifs s’inquiètent de ce que BDS aille au-delà de la critique des politiques israéliennes et promeuve la diabolisation et la délégitimation d’Israël. Ils allèguent en particulier que BDS cherche à éliminer l’existence même d’Israël parce que la campagne ne soutient pas une solution à deux états. Comment répondriez-vous à ces inquiétudes ?

OB : Cette question est fondée sur le postulat que ceux qui sont opposés à la « solution à deux états » (telle qu’elle est définie par les Nations Unies, je suppose) cherchent en fait à « éliminer l’existence même d’Israël ». Toute personne ayant suivi les déclarations officielles du gouvernement d’extrême-droite d’Israël, y compris du Premier Ministre Benjamin Netanyahu et des ministres du gouvernement, du comité central du parti du Likoud au pouvoir, ainsi que des leaders de la majorité à la Knesset ne peut que reconnaître qu’Israël a exclu une solution à deux états. Il adopte de plus en plus la vision d’un « grand Israël » — une solution à un état d’apartheid.

Pendant la dernière campagne d’élection parlementaire en Israël, Netanyahu a promis de commencer à annexer la Cisjordanie et a à de multiples reprises incité à l’hostilité contre les citoyens palestiniens d’Israël, déclarant : « Israël n’est pas l’état de tous ses citoyens — Israël est l’état nation du peuple juif — et seulement cela ». Son gouvernement actuel est même plus extrême et intrinsigeant que le précédent, qui était le plus raciste de l’histoire d’Israël. Netanyahu, avec le soutien entier du gouvernement de Trump, a de fait déclaré la fin du paradigme à deux états, qui a été la pierre angulaire du processus de paix d’Oslo organisé par les Etats-Unis pendant près de trois décennies, en affirmant : « Toutes les colonies, sans exception, celles qui sont en blocs et celles qui ne le sont pas, doivent rester sous souveraineté israélienne ».

Le plus grand parti d’opposition en Israël, Bleu et Blanc, n’appuie pas davantage un état palestinien ou une solution à deux états en concordance avec les résolutions des Nations Unies. Cela veut dire que la majorité absolue à la Knesset aujourd’hui s’oppose à la solution à deux états.

Ceci étant donné, est-ce vous concluriez, à partir du même postulat, que le gouvernement et le parlement israéliens « cherchent à éliminer l’existence même d’Israël » ? En fait, c’est ce que certains généraux israéliens importants accusent plus ou moins le gouvernement d’extrême droite d’Israël de faire.

Indépendamment de cela, et comme cela est clairement indiqué sur le site web du mouvement, « le mouvement BDS ne soutient pas une solution spécifique au conflit et n’appelle pas à soutenir une solution à un état ou à deux états. BDS, au contraire, se focalise sur la réalisation des droits fondamentaux et l’implémentation du droit international ». Les Nations Unies ont caractérisé ces droits comme des « droits inaliénables du peuple palestinien », soulignant que « le respect total et la réalisation » de ces droits « sont indispensables pour la solution de la question palestinienne ». A ce titre, le mouvement BDS promeut l’obligation de rendre des comptes vis-à-vis d’obligations internationales qui doivent être respectées dans toute solution politique qui puisse conduire à une paix juste et durable.

Appeler à la liberté, à la justice et à l’égalité pour le peuple palestinien, comme le fait le mouvement BDS, ne peut raisonnablement ou logiquement être compris comme appeler à « éliminer » quoi que ce soit, sauf la soumission, l’injustice et l’inégalité.

C’est seulement si l’on suppose que l’existence même d’Israël est basé sur le maintien du régime actuel d’oppression coloniale, d’occupation militaire et d’apartheid que l’on pourrait accepter l’assertion, qui serait sinon illogique, de la question. Après tout, mettre fin à l’apartheid n’a pas « éliminé l’existence même de l’Afrique du Sud », pas plus que mettre fin au régime Jim Crow aux Etats-Unis n’a mis fin à leur existence même. Dans les deux cas, mettre fin à l’oppression a permis plus de liberté, plus de justice et plus d’égalité, et c’est exactement ce que BDS cherche.

 

  1. Dans la déclaration (voir question 2) ci-dessus, il était indiqué que « Nous rejetons le sionisme, en tant qu’il constitue le pilier idéologique raciste et discriminatoire du régime d’occupation, de colonialisme d’occupation et d’apartheid d’Israël qui a privé le peuple palestinien de ses droits humains fondamentaux depuis 1948 ». Pourriez-vous, s’il vous plait, expliquer ce que vous voulez dire et ce que vous comprenez par sionisme et si vous l’assimilez à du racisme et si oui en quoi ceci est différent d’être antisémite ?

OB : L’année dernière, plus de 40 groupes juifs internationaux, dont l’influent groupe Jewish Voice for Peace [Voix juive pour la paix] aux Etats-Unis, ont condamné l’amalgame entre « les critiques légitimes d’Israël et le plaidoyer en faveur des droits palestiniens avec de l’antisémitisme, comme moyen de supprimer les premiers ». Leur déclaration disait : « Cet amalgame mine à la fois la lutte palestinienne pour la liberté, la justice et l’égalité et la lutte mondiale contre l’antisémitisme. Il sert aussi à protéger Israël de devoir rendre des comptes vis-à-vis des standards universels des droits humains et du droit international ».

Jusqu’à ce que l’holocauste nazi contre les Juifs commence à se déployer à la fin des années 1930, la majorité absolue des communautés juives dans le monde rejetait le sionisme politique. Comme l’important philosophe Joseph Levine l’explique dans le New York Times :

« Les dix-huitième et dix-neuvième siècles furent la période d’« émancipation » des Juifs en Europe occidentale, celle pendant laquelle les murs des ghettos furent détruits et les Juifs se virent accorder les droits entiers de citoyenneté dans les états où ils résidaient. Les forces antisémites à cette époque, celles s’opposant à l’émancipation, étaient associées non à la négation de l’existence d’un peuple juif, mais à une insistance emphatique sur elle ! L’idée était que puisque les Juifs constituaient une nation propre, ils ne pouvaient être des citoyens loyaux d’un état européen. Les libéraux qui s’opposaient fortement à l’antisémitisme insistaient sur le fait que les Juifs pouvaient à la fois pratiquer leur religion et maintenir leurs traditions culturelles tout en gardant leur citoyenneté entière dans les états-nations variés dans lesquels ils résidaient ».

— En 1975, une large majorité de l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté une résolution qui mettait en lumière les liens entre le sionisme et l’apartheid en Afrique du Sud et condamnait le premier en tant que forme de racisme. Cela ne fut abrogé qu’en 1991 sous une intense pression américano-israélienne dans le contexte du « processus de paix » de Madrid.

— Récemment, Jewish Voice for Peace (JVP), la plus grande organisation juive progressiste dans le monde, a rendu publique une déclaration historique condamnant le sionisme. Elle disait :

« Bien qu’il ait historiquement de nombreuses souches, le sionisme qui s’est implanté et existe aujourd’hui est un mouvement colonialiste, établissant un état d’apartheid dans lequel les Juifs ont plus de droits que d’autres. Notre propre histoire nous enseigne à quel point ceci peut être dangereux. La dépossession des Palestiniens et l’occupation viennent de sa conception même. Le sionisme a signifié un traumatisme profond pour des générations, séparant systématiquement les Palestiniens de leurs maisons, de leurs terres, et les uns des autres. Le sionisme, en pratique, a provoqué des massacres du peuple palestinien, la destruction d’anciens villages et de champs d’oliviers, la séparation de familles vivant à seulement quelques kilomètres de distance par des checkpoints et des murs, des enfants s’accrochant aux clés de maisons dont leurs grands-parents ont été exilés par la force. »

Réfléchissant sur le dommage que le sionisme a causé aux communautés juives, la déclaration de JVP dit :

« En partageant nos histoires les uns avec les autres, nous voyons les manières dont le sionisme a aussi causé du tort au peuple juif. Beaucoup d’entre nous ont appris du sionisme à traiter nos voisins avec suspicion, à oublier la façon dont les Juifs ont construit des foyers et des communautés quel que soit l’endroit où nous nous trouvions. Les Juifs ont eu de longues histoires intégrées au monde arabe et à l’Afrique du Nord, vivant au milieu des musulmans et des chrétiens, et partageant communauté, langage et coutumes avec eux, pendant des milliers d’années. En créant une hiérarchie raciste avec les Juifs européens au sommet, le sionisme a effacé ces histoires et détruit ces communautés et ces relations ».

— Les Palestiniens, les Arabes et de nombreux progressistes considèrent le sionisme comme une idéologique politique raciste qui a formé l’échafaudage idéologique de la dépossession colonialiste du peuple palestinien et la Nakba israélienne en cours. Ceci se base sur les faits suivants :

  1. L’idéologie raciste du nationalisme et du colonialisme européens chauvins de la fin du 19e siècle a été adoptée par le courant dominant du mouvement sioniste (Organisation sioniste mondiale, Agence juive, Fonds national juif, etc.) pour justifier son projet colonial d’un état juif d’exclusion en Palestine (i.e. dans la région de l’actuel Israël et des territoires palestiniens occupés) et pour recruter un soutien politique à son profit, aux dépens des Arabes palestiniens autochtones.
  2. Le sioniste politique laïc a traduit d’anciennes notions spiritualo-religieuses des Juifs comme « peuple élu » et « Eretez Israël » en un programme colonial raciste, qui —basé sur la doctrine que les Juifs étaient une nation séparée en termes politiques, avec des revendications supérieures sur la Palestine — appelait à « sauver » la Palestine, déclarée être « une terre sans peuple ».
  3. La réalisation de ce projet colonial a été poursuivie avec le soutien des puissances impériales occidentales (particulièrement la Grande-Bretagne et les Etats-Unis) et plus tard des Nations Unies, par une politique et des pratiques de colonisation et de transfert de population. Les traits principaux de ce projet étaient la colonisation massive d’immigrants juifs en Palestine, particulièrement au pic du génocide nazi contre les Juifs européens, et le transfert forcé d’une majorité de la population autochtone palestino-arabe.
  4. Le projet sioniste du nettoyage ethnique planifié a commencé bien avant l’éclatement du conflit armé de 1948, mais il fut accompli principalement pendant le conflit armé, et sous son prétexte. De 750000 à 900 000 Palestiniens autochtones furent déplacés de force et quelque 500 communautés palestiniennes furent dépeuplées par les milices sionistes et — à partir du 15 mai 1948 — par l’armée de l’état d’Israël, pour faire place au nouvel état juif d’exclusion sur 78% de la Palestine d’avant guerre.
  5. Le sionisme continue à jouer un rôle profond dans la Nakba actuelle puisqu’il a été transformé en lois et en politiques de l’état d’Israël qui constituent le régime actuel d’occupation militaire, de colonialisme et d’apartheid. Depuis 1948, les législateurs et les gouvernements israéliens, en conjonction avec des organisations sionistes mondiales et leurs filiales, ont établi et développé un régime de discrimination raciale et de suprématie juive institutionnalisées qui dépossède systématiquement le peuple palestinien autochtone, le prive de ses droits et maintient pour lui un statut inférieur. Au moyen de ce régime, l’état d’Israël continue d’assurer sa mainmise sur une quantité maximale de terres palestiniennes avec un nombre minimal de Palestiniens, par la colonisation, le déni du droit de retour des réfugiés et le transfert forcé graduel de population qui est en cours.
  6. Comme le professeur Daniel Blatman, historien de l’ère de l’holocauste à l’université hébraïque de Jérusalem et historien en chef du Musée du ghetto de Varsovie, l’a écrit récemment dans Haaretz :

« Le mouvement nazi, comme nous le savons, a flirté quelque peu avec le sionisme dans les années 1920 et 1930. Alfred Rosenberg, un des principaux idéologues nazis, a écrit à l’époque sur la nature du mouvement sioniste, et sur ce que devait être l’attitude correcte du mouvement nationaliste allemand envers lui. Dans son livre de 1920 « Die Spur » (« La Trace », la piste des juifs à travers les âges), Rosenberg suggérait d’encourager et de soutenir le mouvement sioniste allemand afin de promouvoir un exode des Juifs allemands vers la Palestine. Il notait que les sionistes étaient un groupe doté d’un potentiel de coopération à court terme avec l’Allemagne national-socialiste, puisque les deux avaient un intérêt à stopper l’assimilation et l’intégration des Juifs et à promouvoir l’émigration juive.

Rosenberg planifiait aussi d’utiliser les revendications juives comme une justification juridique pour dénier aux Juifs allemands leurs droits civiques et prouver que les Juifs eux-mêmes soutenaient aussi cette idée. La revendication sioniste selon laquelle il y avait une communauté juive séparée avec ses intérêts propres uniques culturels et nationaux, qui n’étaient pas identiques à ceux des autres Allemands, était aussi en accord avec la politique nazie dont l’implémentation commença après 1933. »

  1. Quels sont vos commentaires par rapport aux critiques des états et/ou d’autres parties prenantes disant que le mouvement BDS est antisémite et que le mouvement a conduit à une augmentation de l’antisémitisme dans différents pays du monde entier ?

OB : Israël, ses groupes de pression et d’autres anti-Palestiniens répandent désespérément cette accusation infondée sans aucune évidence, précisément parce que BDS s’est constamment opposé au racisme et à la haine anti-juifs depuis sa création et qu’il a gagné un soutien juif significatif dans le monde entier. BDS est aujourd’hui soutenu par un nombre en croissance rapide de Juifs de la génération du millénaire, qui ne peuvent réconcilier leurs valeurs progressistes avec ce que le sionisme et Israël représentent aujourd’hui. Le soutien pour BDS augmente également parmi des universitaires, des écrivains, des réalisateurs, des philosophes et des défenseurs des droits humains juifs de premier plan.

Affirmer que boycotter Israël est intrinsèquement antisémite n’est pas seulement une propagande infondée. Cela assimile de manière absurde Israël avec « tous les Juifs ». C’est aussi fanatique que d’affirmer que boycotter un état qui se définit comme islamique comme l’Arabie saoudite, disons, à cause de sa discrimination légale contre les femmes ou ses crimes de guerre au Yémen serait nécessairement islamophobe.

Israël et ses groupes de pression, en réponse, ont aggressivement promu une définition nouvelle et révisioniste de l’antisémitisme qui vise à protéger Israël de rendre des comptes à propos des standards universels des droits humains et du droit international. »

En mai 2019, plus de 240 universitaires juifs et israéliens, beaucoup d’entre eux étant des spécialistes distingués de l’antisémitisme, de l’histoire juive et de l’histoire de l’holocauste, ont rendu publique une déclaration condamnant une résolution du Bundestag allemand qui diffame comme antisémite le mouvement BDS pour les droits palestiniens. De manière cruciale, leur déclaration accuse la résolution allemande de ne rien faire pour « avancer la lutte urgente contre l’antisémitisme ». La déclaration dit :

« [Nous] rejetons tous l’allégation trompeuse selon laquelle BDS en tant que tel est antisémite et maintenons que les boycotts sont un outil légitime et non-violent de résistance. Nous, qui comprenons des chercheurs spécialistes reconnus sur l’antisémitisme, affirmons qu’on devrait être considéré comme antisémite selon le contenu et le contexte de ses mots et de ses actions — qu’ils viennent de personnes soutenant BDS ou non. Il est regrettable que la motion adoptée ignore l’opposition explicite du mouvement BDS à ‘toutes les formes de racisme, y compris l’antisémitisme’.

Le mouvement BDS cherche à influencer les politiques du gouvernement d’un état qui est responsable pour l’occupation et l’oppression actuelles du peuple palestinien. De telles politiques ne peuvent être à l’abri de la critique. Dans ce contexte, il faudrait aussi remarquer que beaucoup d’individus et de groupes juifs et israéliens soit soutiennent BDS explicitement soit défendent le droit à le soutenir. Nous considérons qu’il est inapproprié et choquant que les institutions gouvernementales et parlementaires allemandes les étiquètent comme antisémites. »

En prenant l’Allemagne comme étude de cas, le gouvernement a communiqué, un jour seulement avant la résolution du Bundestag mentionnée plus haut, une étude soulignant que 90% des attaques antisémites — et des autres attaques racistes ou xénophobes — en Allemagne viennent de l’extrême-droite. Ces 90% viennent du groupe de ceux votant pour Alternative für Deutschland (Alternative pour l’Allemagne, AfD), le parti qui a proposé une résolution encore plus antidémocratique, celle de mettre le mouvement BDS hors-la-loi.

Nous condamnons fermement et systématiquement l’antisémitisme comme toute autre forme du racisme et appelons les décideurs à affronter ceux qui en sont responsables, au lieu de les protéger en ciblant le mouvement antiraciste BDS.

Finalement, la revendication simpliste d’Israël de lutter contre l’antisémitisme est en fait minée par son déplacement marqué vers le camp de l’extrême-droite et par ses alliances avec des forces xénophobes et ouvertement antisémites aux Etats-Unis, en Europe, au Brésil et ailleurs.

  1. La campagne offre-t-elle des directives sur la façon dont on peut discuter les objectifs du mouvement BDS en évitant la promotion de narratifs et de clichés antisémites ? Si vous découvriez que certaines des activités de votre mouvement au-delà de la Palestine étaient de fait antisémites ou incitaient à la haine et à la violence, que seraient/que pourraient être les mesures prises par BNC pour stopper ces actes. Y-a-t-il un exemple où vous condamnez ou sanctionnez de tels actes à l’intérieur du mouvement ?

OB : Le comité national palestinien de BDS (BNC), la plus grande coalition de la société civile palestinienne, qui dirige le mouvement mondial BDS pour les droits palestiniens, rejette catégoriquement toute expression de racisme, y compris l’antisémitisme. Il affiche de manière bien visible sur son site web ses directives pour les groupes qui utilisent l’acronyme BDS ou affirment faire partie du mouvement. Ces directives déclarent qu’il est attendu des partenaires BDS de « se conformer à l’engagement du mouvement BDS pour la nonviolence ainsi qu’à ses principes éthiques et antiracistes ».

Les directives indiquent également :

« Tout groupe qui propage ou tolère des formes d’expression ou des activités en conflit avec les principes d’antiracisme et de non-violence du mouvement ou qui sabote les droits palestiniens indiqués dans l’appel BDS ne peut faire partie du mouvement BDS et sera considéré comme extérieur au mouvement BDS et il lui sera demandé par le BNC de ne plus utiliser l’acronyme BDS ni de revendiquer une quelconque affiliation avec le mouvement ».

« Tout groupe qui est affilié à un groupe ou une organisation qui sont connus pour tolérer des opinions en conflit avec les directives éthiques du mouvement BDS ou avec ses principes antiracistes ne peut faire partie du mouvement BDS et il lui sera demandé d’enlever l’acronyme BDS de son nom et de son logo. »

« Si un groupe discrédite l’un des principes éthiques et antiracistes du mouvement BDS, le BNC demandera en privé au groupe d’abandonner l’acronyme BDS et de cesser de se présenter comme faisant partie du mouvement BDS. Si le groupe ne tient pas compte de la requête du BNC dans un laps de temps donné, le BNC condamnera publiquement le groupe et distanciera de lui le mouvement BDS. »

Dans les 14 ans depuis que BDS a été lancé, de telles infractions ont été extrêmement rares. Cependant, à chaque fois qu’elles ont été détectées, le BNC a agi rapidement et résolument pour condamner et sanctionner les groupes et les individus qui affirment soutenir BDS tout en exprimant des opinions racistes, y compris envers des Juifs parce qu’ils sont juifs. Un exemple récent est celui d’un groupe au Maroc qui s’appelait « BDS Casablanca ». Quand le BNC a découvert par nos partenaires au Maroc que ce groupe avait posté/reposté des contenus antisémites sur sa page Facebook, nous avons immédiatement réclamé un rendez-vous vidéo en urgence avec eux et leur avons demandé : a. d’enlever immédiatement tout contenu antisémite et b. de poster la déclaration antiraciste des principes de BNC et d’éduquer leurs supporters à ce propos. Nous leur avons donné une date limite pour le faire. Comme ils ne l’ont pas respecté, nous avons rendu publique une déclaration sur notre compte Facebook (en arabe) condamnant leurs expressions de racisme et affirmant clairement qu’ils ne « font pas partie du mouvement BDS ». Ceci a contribué à les discréditer au sein de leur base de supporters.

  1. Nous avons reçu plusieurs exemples de caricatures publiés par l’ONG palestinienne BADIL présumée mener des campagnes internationales BDS. Un des exemples est la caricature de 2010 qui incluait un homme juif, revêtu d’un costume hassidique traditionnel, avec un nez crochu et des mèches de cheveux latérales. Il se tient sur le dessus d’une boîte ornée d’étoiles juives, écrasant à mort un enfant, et tenant des clés marquées « US » et « UK » [pour « Etats-Unis » et « Royaume-Uni » respectivement] et une fourche stylisée en forme de ménorah dégoulinante de sang, tandis que des crânes couvrent le sol. Regardez, s’il vous plait, la photo jointe. Quelle est votre opinion là-dessus ?

OB : Le BNC condamne sans équivoque ce dessin comme antisémite et comme une déformation raciste de la réalité du régime d’oppression du peuple palestinien par Israël. A notre avis, ce dessin et d’autre matériel semblablement antisémite ne devraient jamais avoir été publiés. Cette opinion est aussi partagée par BADIL, qui, en 2010 déjà, a immédiatement enlevé le dessin de son site web, a publié des excuses et a adopté un protocole qui empêche la répétition de telles erreurs (voir point 4, règles et régulations, al Awda Award). Pour autant que nous sachions, cette terrible erreur n’a jamais été répétée depuis.

Le dessin avait été sélectionné pour publication dans le contexte d’une compétition publique, non par BADIL, mais par un jury indépendant qui était clairement malavisé et irresponsable.

Par contraste, le gouvernement israélien a récemment produit une vidéo promotionnelle pour l’Eurovision à Tel Aviv dont la teneur incluait de façon flagrante des aspects antisémites (décrivant les Juifs comme « avides ») et il n’a toujours pas, ni retiré cette vidéo ni présenté des excuses pour elle.

L’année dernière, Yair Netanyahu, le fils du premier ministre israélien et une étoile montante de la droite, a posté une caricature sans conteste antisémite attaquant le philanthrope juif-américain George Soros. Aucune excuse ou rétractation n’a été pour le moment publiée par Netanyahu. Au contraire, selon un magazine suisse, les proches conseillers du premier ministre Netanyahu ont admis avoir fait naître contre Soros la théorie antisémite du complot que le président xénophobe de la Hongrie, Orban, a adoptée plus tard.

  1. Pourriez-vous fournir plus d’information sur les cas que vous avez présentés à des tribunaux européens pour contester les accusations fausses et diffamatoires d’antisémitisme contre le mouvement BDS? Y-a-t-il eu une décision et pourriez-vous commenter le jugement du tribunal, s’il vous plaît ?

OB : Il y a un large consensus dans la communauté des experts juridiques et des experts sur les droits civiques et humains aux Etats-Unis et en Europe que les accusation fausses et diffamatoires d’antisémitisme et les mesures restrictives et punitives contre le mouvement BDS qui y sont associées violent constitutionnellement des droits protégés, en particulier le droit fondamental à la liberté d’expression.

Aux Etats-Unis, les juristes de Palestine Legal, de l’Union américaine pour les libertés civiques (American Civil Liberties Union, ACLU), le Centre pour les droits constitutionnels, la Guilde nationale des avocats et d’autres ont défendu le droit au boycott, sur ces bases, par une défense para-juridique et des procès devant les tribunaux. L’information sur la première décision par un tribunal américain qui affirme que les boycotts pour les droits palestiniens sont protégés par le Premier Amendement [de la constitution des Etats-Unis] est disponible ici. Des exemples d’autres cas contestés par les juristes aux Etats-Unis peuvent être trouvés ici.

En Europe, plus de 200 chercheurs en droit et juristes ont appelé les gouvernements à respecter le mouvement BDS comme un mouvement légitime en faveur des droits palestiniens. En 2016, Federica Mogherini a écrit au nom de la Commission européenne : « L’Union européenne tient fermement à protéger la liberté d’expression et la liberté d’association en conformité avec la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui est applicable sur le territoire des états membres de l’Union européenne, y compris vis-à-vis des actions BDS menées sur ce territoire ».

Les gouvernements des Pays-Bas, de Suède et d’Irlande, les parlements d’ Espagne et de Suisse, l’Internationale socialiste et des organisations majeures des droits humains, dont la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et Amnesty International ont tous soutenu le droit pour BDS d’appeler à soutenir les droits garantis par les Nations Unies du peuple palestinien.

Depuis le début 2019, le Centre européen de soutien juridique (European Legal Support Center, ELSC) — une initiative du Forum des droits aux Pays-Bas, de la société civile palestinienne et d’experts en droit européens — a prêté assistance à des juristes dans des pays européens pour défendre des individus et des organisations qui font face à des accusations fausses et diffamatoires d’antisémitisme et à la répression à cause de leur soutien pour les droits palestiniens et particulièrement pour les activités de BDS destinées à obtenir ces droits.

En Allemagne, où la répression de la solidarité avec le peuple palestinien est particulièrement sévère, une action en justice, en collaboration avec des juristes locaux, a jusqu’à présent résulté en une décision de la Haute Cour administrative de Basse Saxe. Dans son jugement, la Cour a expliqué que : 1) puisque l’accusation d’antisémitisme représente une allégation très sérieuse, la charge de la preuve réside dans la partie jetant l’accusation ; et 2) l’examen de la Cour n’a produit aucune évidence que le demandeur ou la campagne BDS ait violé les principes de l’ordre libéral-démocrate. Par conséquent, la Cour a ordonné à la Ville d’Oldenburg de fournir les salles demandées et BDS Oldenburg a été capable d’organiser les événements de l’Israëli Apartheid Week [Semaine contre l’apartheid israélien] dans un espace public. La Ville a été aussi contrainte de couvrir les frais juridiques du demandeur pour les deux procédures. Une copie de la décision de la Cour (en allemand) est ici. Plus d’information à propos du ELSC et de cette décision de la Haute Cour administrative de Basse Saxe est disponible ici. Vous pouvez aussi contacter les juristes de l’ELSC directement en écrivant à : elsc@rightsforum.org.

Source: BDS movement

Traduction:  CG pour BDS France

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